Idées. L’urbanisme et la politique ne font pas bon ménage

La ville est un être vivant avec une personnalité et une vocation et non une disposition de rues et de maisons, faite à l’ancienne. Abdellah Ibrahim El Haimer, architecte-urbaniste, nous livre sa vision progressiste de l’aménagement du territoire.  

Idées. L’urbanisme et la politique ne font pas bon ménage

Le 19 juin 2013 à 14h16

Modifié 19 juin 2013 à 14h16

La ville est un être vivant avec une personnalité et une vocation et non une disposition de rues et de maisons, faite à l’ancienne. Abdellah Ibrahim El Haimer, architecte-urbaniste, nous livre sa vision progressiste de l’aménagement du territoire.  

Vous avez travaillé sur de nombreux plans d’aménagement, quel est le regard que vous portez sur l’urbanisme de manière générale?

Au Maroc, l’aménagement du territoire n’est jamais innocent. Donner une vocation à une zone est une décision éminemment politique, qui se transforme souvent en une chirurgie de mauvaise qualité.
Le problème est que la politique ne mobilise pas les moyens requis pour garantir de bons résultats. Conséquence : l’urbanisme reste sur sa faim. Pour tous les programmes d’aménagement du pays, les taux de réalisation ne dépassent jamais 20%.

Que faire alors?

A mon avis, les maires ne doivent être élus que pour un seul mandat. Cette donne changera les rapports qu’ils entretiendront avec les électeurs et avec la chose publique.
Aujourd’hui, un maire ne prend pas de décision impopulaire de peur d’être sanctionné lors des élections suivantes. S’il n’a la possibilité de se présenter qu’une seule fois, il n’aura pas peur de percer une rue et  aura certainement le courage de ses idées quitte à faire des mécontents.
Un autre ingrédient manque à la recette. La ville doit avoir une vision urbanistique sur 20 ou 30 ans et mettre tous les moyens de son côté pour ne pas se tromper. Prenons le cas de l’avenue royale, on se demande si le projet verra le jour. Et quand bien même il se concrétiserait, sera-t-il intégré dans son temps? Et ce malheureux constat est de mise aussi bien dans les grandes que les petites villes.
D’un autre côté, l’Etat doit avoir les moyens financiers de ses aménagements : s’il faut indemniser les gens pour expropriation, faisons-le et à sa juste valeur.

Qu’en est-il de la verticalité?

Il faut, certes, accepter la hauteur mais tout en la limitant. Un minimum de dix étages me paraît raisonnable dans de grandes villes comme Casablanca. Cela permettra d’optimiser le foncier existant et par ricochet de baisser le prix du produit fini.
Toutefois, la verticalité suppose elle aussi de mobiliser des moyens financiers importants. Prenons l’exemple du quartier Gauthier à  Casablanca, une zone villa à la base, transformée en zone immeuble. Le passage à R+5 en moyenne a chamboulé la structure démographique de ce quartier. Les VRD (voirie et réseaux divers) n’arrivent pas à suivre. Les besoins ne sont plus les mêmes alors qua la capacité est restée inchangée.
De même à Hassan Souktani où les raccordements sont toujours en cours. Restons à Casablanca et prenons aussi le cas du quartier La Gironde, jadis industriel. Quand cette zone fut aménagée, quelques voies seulement ont été élargies et pas un seul espace vert n’a été édifié. C’est déplorable.

En parlant de foncier, certains spécialistes réfutent l’appellation pénurie et préfèrent parler d’indisponibilité. Qu’en dites-vous?

Je suis de leur avis. Dans certaines zones, l’Etat doit prendre la décision d’ordonner un changement de vocation. Aller vers une hauteur raisonnable en passant du R+4 à R+10 apportera une bonne bouffée d’oxygène. En contrepartie de cette faveur accordée aux propriétaires et aux promoteurs, l’Etat est en droit d’exiger qu’une parcelle du terrain lui soit rétrocédée et qu’elle soit aménagée sous forme d’espace public,  jardin, parc de jeux ou autre. En gros, il s’agit de trouver une matrice où tout le monde soit gagnant : propriétaires immobiliers, promoteurs et ville.
En outre, le zonage doit être flexible. Il ne faut pas figer les espaces dans le cas des nouvelles urbanisations et laisser aux promoteurs le libre choix avec seulement deux contraintes majeures : le COS (coefficient d’occupation du sol) et le CES (coefficient d’emprise au sol).

Quid des villes nouvelles?

Le problème aujourd’hui est que l’Etat part d’une opportunité foncière pour créer une ville nouvelle. C’est une approche très risquée, elle a d’ailleurs très vite montré ses limites. Se sont alors posés les problèmes liés à l’emploi, l’équipement, le transport.
Le cas le plus emblématique est celui de Tamansourt. Elle s’est retrouvée sans le moindre support économique, d’autant plus que le niveau de vie à Marrakech demeure modeste malgré les coups de projecteurs qu’on y jette.
Par ailleurs, quand on crée des villes nouvelles dans la périphérie casablancaise, malgré tous les problèmes liés à l’éloignement du centre, le projet réussit car le pôle économique que représente la ville le permet. C’est le cas aussi de Tanger avec sa ville nouvelle de Chrafate, l’usine Renault y étant pour beaucoup.
Pour résumer, je dirai qu’une ville nouvelle doit accompagner une vocation, sinon, elle est résolument vouée à l’échec. L’Etat doit faire le reste en créant des équipements phares : musées, centres sportifs, équipements culturels? C’est ainsi que la communauté s’appropriera la ville.

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