Le tragique destin des révolutions arabes

Un étonnant parallélisme. Les trois pays qui ont vécu des « révolutions » dans le monde arabe, Egypte, Libye et Tunisie, vivent une crise sécuritaire, économique et politique qui fait craindre le pire, c’est-à-dire la faillite, le chaos, la guerre civile. Tour d’horizon d’une situation tragique.

Le tragique destin des révolutions arabes

Le 17 août 2013 à 19h19

Modifié le 17 août 2013 à 19h19

Un étonnant parallélisme. Les trois pays qui ont vécu des « révolutions » dans le monde arabe, Egypte, Libye et Tunisie, vivent une crise sécuritaire, économique et politique qui fait craindre le pire, c’est-à-dire la faillite, le chaos, la guerre civile. Tour d’horizon d’une situation tragique.

L’étrange parallélisme de trajectoire entre les trois pays qui ont vécu « des révolutions arabes » mérite d’être relevé et étudié.

Aujourd’hui, ils vivent tous les trois une crise sécuritaire, économique et politique avec multiplication des violences et absence totale de visibilité.

 

1. Les pays concernés par les «révolutions». Tunisie, Libye et Egypte sont les trois pays où les révolutions ont abouti. La Syrie et le Yémen devaient être les pays suivants. Pour Gilles Kepel, le célèbre politologue orientaliste, les révolutions n’ont pas abouti dans ces deux derniers pays parce que les enjeux extérieurs y ont supplanté les enjeux intérieurs. En d’autres termes, des pays puissants n’avaient pas intérêt à un renversement du système dans ces deux pays.

2. Des républiques «héréditaires». Qu’y a-t-il de commun entre ces cinq pays ? Il s’agit de «républiques» dotés de régimes dictatoriaux qui commençaient à envisager une transmission du pouvoir à un fils des dirigeants. Un peu comme en Corée du Nord ou en Syrie du temps de Hafez Assad. Ou ce qu’avait envisagé Saddam.

3. Une erreur d’optique. Thawra en arabe (révolution) signifie d’abord un soulèvement sous l’effet d’une grande colère. C’est exactement ce qui s’est passé dans les pays en question, du moins au début.

L’erreur d’optique vient de la part de tous ceux qui ont adhéré aux révolutions en croyant qu’elles allaient garder ce qui était bon, et détruire tout ce qui était mauvais. En d’autres termes, corriger là où il le fallait, amender, détruire ce qui était mauvais. Bref, que l’apport serait purement positif et vertueux.

C’st une erreur parce que les « révolutions » ont gardé à chaque fois l’essentiel de l’ancien système et démoli une grande partie de ce qui fonctionnait.

4. Trois pays différents et semblables. Les quelques différences entre les trois pays concernés sont connues :

a. tradition étatique forte en Egypte et en Tunisie ; absence d’Etat ou presque en Libye

b. la Libye est un pays de rente, contrairement aux deux autres

c. la Tunisie est un pays très sécularisé ; l’Egypte est le pays le plus peuplé du monde arabe.

d. En Egypte, la principale force du pays est l’armée.

5. Les islamistes ont gagné les élections. Dans les trois pays et pas seulement d’ailleurs.  L’arrivée des islamistes au pouvoir a constitué, sociologiquement et politiquement, une totale rotation des pouvoirs. Les nouvelles élites sont issues de couches qui n’ont jamais fait partie des élites du pays, ni économiques, ni intellectuelles, ni politiques.

Il y a des caractéristiques communes dans leur mode de gestion, c’est comme s’ils avaient accompli les mêmes erreurs :

a. L’échec de la gouvernance. Au point qu’il n’y a ni vision, ni réformes, ni bilan législatif ; échec dans la gestion des services publics : les trois pays ont connu pour la première fois depuis leurs indépendances, des pannes généralisées de fourniture d’eau et d’électricité ;

b. L’absence totale d’intérêt à la chose économique.

c. Le comportement sectaire : dans les nominations par exemple, les décisions se prennent en tenant compte de la loyauté et de l’appartenance à la secte.

d. La complaisance, le laxisme sur le plan sécuritaire : les discours de haine et de violence, l’apologie du jihad, le takfir, sont tolérés, voire récupérés.

e. Dans les trois pays, les armes de guerre circulent, des groupes armés apparaissent, les dirigeants sous-estiment  le risque que cela représente. La violence va crescendo, jusqu’aux assassinats et au terrorisme.

f. Les trois pays deviennent exportateurs de jihadistes sur les principaux théâtres comme la Syrie et le Mali.

g. Les réactions vis-à-vis de toute voix dissidente venue de l’extérieur de la secte sont identiques : les médias indépendants sont systématiquement qualifiés de suppôts de l’étranger, les laïcs sont accusés d’être à la solde des anciens colonisateurs.

h. Une grande partie de l’histoire du pays est occultée : tout ce qui n’est pas aabo-islamique est gommé, nié.

i. Absence de conception de l'Etat ou conception rudimentaire de l'Etat.

6. Les beaux jours de la théorie du complot. Derrière chaque échec de gouvernance, les nouveaux gouvernants désignent un complot.

7. Une vague d’assassinats politiques, en Tunisie et Libye.

8. Les promesses non tenues, le double langage. C’est désormais connu, étayé, preuves à l’appui. Les dirigeants changent de discours en fonction des interlocuteurs.

9. Le rôle du Qatar. L’échec des révolutions arabes a éclipsé le Qatar dont la puissance était encore à son firmament en 2012. Qatar a financé, soutenu, médiatisé les Frères musulmans. Le petit émirat garde un rôle en Syrie mais se fait tout petit depuis le début de 2013. Les temps sont durs, le pays n’a plus l’aura qu’il avait, la chaîne Al-Jazeera et tout ce qui est qatari, y compris la compagnie aérienne nationale, font l’objet d’un rejet actif de la part des franges anti-islamistes des trois pays concernés.

Le Qatar a également armé les opposants libyens, avec l’Otan et la France et de ce fait, il a une part de responsabilité morale dans la circulation des armes de guerre dans le Sahel de l’Afrique.

10. La forte demande de rente. Au lieu de libérer les énergies et les efforts, au lieu de faire du travail et du mérite une valeur suprême, les trois révolutions ont connu de fortes demandes de rentes de la part des populations, et y ont accédé.

11. L’impossibilité à construire un vivre-ensemble. La bipolarisation de la société se fait de part et d’autre d’une ligne claire : la souveraineté appartient-elle au peuple? ou à Dieu? Deux conceptions différentes qui continuent de s’affronter.

12.   Scénario algérien? Dans le cas égyptien, la situation est gravissime, à cette différence près que l’armée est plus puissante et que ses dirigeants cherchent à étouffer dans l’œuf et au plus vite, toute insurrection armée.

13. Dans le cas libyen, le risque est davantage celui d’un scénario somalien. Tout le pays est à la dérive après la vague d’assassinats politiques, la production de pétrole est à son plus bas niveau à cause des sabotages, et les factions disposant d’armes sophistiquées ont pignon sur rue.

14. Dans le cas tunisien, la situation économique est désastreuse. La note souveraine du pays vient d’être abaissée pour la troisième fois en douze mois et cette fois ci de deux crans, par S&P. La Tunisie est actuellement est classée B avec perspective négative. Les cellules terroristes se sont implantées dans tout le pays y compris en milieu urbain, l’impasse politique est totale.

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