Il faut renforcer le système commercial multilatéral

GENEVE – Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, le monde a entrepris une "grande convergence", le revenu par habitant des pays émergents augmentant presque trois fois plus vite que dans les pays avancés.

Il faut renforcer le système commercial multilatéral

Le 3 février 2014 à 13h28

Modifié 3 février 2014 à 13h28

GENEVE – Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, le monde a entrepris une "grande convergence", le revenu par habitant des pays émergents augmentant presque trois fois plus vite que dans les pays avancés.

Mais la suite des événements en 2013 a montré que le régime de libre-échange qui a facilité ce progrès est maintenant gravement menacé.

Le blocage des négociations commerciales multilatérales a conduit à la prolifération d'Accords commerciaux préférentiels (PTA), dont les deux plus importants jamais négociés - le Partenariat transpacifique (TPP) et le Partenariat transatlantique sur le commerce et l'investissement (TTIP).

Les règles du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) et de son successeur l'OMC (Organisation mondiale du commerce) sous-tendent un modèle de croissance basé sur les exportations qui a permis aux pays en développement de sortir des millions de personnes de la pauvreté. Il est paradoxal que la montée des grands pays émergents en terme de signification systémique soit au cœur du blocage des négociations multilatérales.

Les pays avancés estiment que les pays émergents doivent adopter la réciprocité et établir des régimes commerciaux similaires aux leurs. Les pays émergents répliquent que leur revenu par habitant reste bien inférieur à celui des pays développés et qu'ils ont besoin d'une certaine flexibilité en termes d'obligations commerciales pour répondre au défi énorme de leur développement. L'impasse qui en résulte a bloqué les discussions sur les principaux problèmes (notamment les mesures non tarifaires, les restrictions aux exportations, le commerce électronique, les taux de change et les conséquences commerciales des mesures contre le réchauffement climatique) soulevés par une économie mondiale ouverte.

Dans ce contexte, de méga-accords commerciaux préférentiels pourraient redessiner le commerce mondial. Une douzaine de pays d'Asie, d'Amérique latine et d'Amérique du Nord (notamment le Japon, le Mexique et les USA) participent aux négociations relatives au TPP. Celles relatives au TTIP doivent englober les deux plus grandes économies mondiales, l'UE les USA. Et l'accord de Partenariat économique intégral régional (RCEP) inclut 16 pays de la région Asie-Pacifique. Le Japon prépare aussi un accord avec la Chine et la Corée du Sud, ainsi qu'un autre avec l'UE.

On dit que de tels accords commerciaux préférentiels ne bénéficieraient pas seulement aux pays signataires. Si le TPP ou le TTIP débouche sur des réformes significatives quant aux subventions agricoles qui faussent le jeu commercial (il serait alors le premier accord non multilatéral à y parvenir), il profitera à un très grand nombre de pays, bien au-delà des pays signataires. Mais les PTA qui existent actuellement ou sont en phase de négociation portent davantage sur les questions réglementaires que tarifaires et vont exiger des participants qu'ils parviennent à un accord sur une réglementation de grande ampleur couvrant par exemple les investissements, la concurrence équitable, les normes en matière de santé et de sécurité, ainsi que les questions techniques.

Les obstacles sont donc nombreux. Certaines mesures non tarifaires sont peut-être faciles à dénoncer comme protectionnistes, mais beaucoup d'autres sont au service de l'intérêt général, comme celles relatives à la sécurité des consommateurs ou à la protection de l'environnement. Il n'est donc pas facile de s'assurer qu'elles ne sont pas en conflit avec les principes de base de l'équité et de l'ouverture économique.  

Par ailleurs, ces accords peuvent enfermer des groupes de pays dans des approches réglementaires différentes, augmentant le coût des transactions pour les entreprises nationales et rendant difficile l'entrée dans ces groupes de produits et services venant de l'extérieur. Une telle segmentation du marché pourrait perturber les chaînes d'approvisionnement et porter préjudice à l'efficacité des échanges commerciaux.

Enfin, on se trompe peut-être en croyant que de méga-accords commerciaux préférentiels permettront d'établir des normes qui bénéficient aux non-participants. La réglementation des échanges transatlantiques sur la valeur des devises peut laisser le Japon indifférent. Et une réglementation spécifique destinée à protéger la propriété intellectuelle pourrait n'aboutir qu'à empêcher le Brésil et l'Inde de participer.

Surmonter ces obstacles exigera avant tout une certaine cohérence entre les PTA ; il  faudrait pour cela que les différents accords suivent des principes à peu prés similaires en ce qui concerne les questions réglementaires. Et si le régionalisme était perçu comme coercitif et inamical, les différents pays pourraient constituer des blocs commerciaux défensifs, conduisant à une fragmentation économique et à un surcroît de tension sécuritaire. Pour éviter cela, les accords doivent être relativement ouverts à de nouveaux arrivants, ainsi qu'à la possibilité d'une "multilateralisation".

Mais le besoin de cohérence va bien au-delà des méga-accords commerciaux préférentiels. Parvenir au meilleur résultat pour le commerce international exige de porter l'attention à tous les niveaux de l'interface entre le commerce et toute une série d'autres domaines.

Considérons la sécurité alimentaire. Une politique nationale efficace concernant la gestion de la terre, de l'eau et des ressources naturelles, les infrastructures et les réseaux de transport, les services de conseil agricole, le droit de propriété de la terre, l'énergie, le stockage, le crédit et la recherche est aussi importante que les dispositions commerciales relatives au transfert de nourriture des pays qui connaissent des excédents à ceux qui sont en manque.

De la même manière, la coopération régionale sur l'eau et les infrastructures est essentielle pour améliorer les relations diplomatiques et parvenir à des marchés fonctionnels. Et au niveau multilatéral, les subventions, les mesures tarifaires et les restrictions à l'exportation (bien que la réglementation de l'OMC ne s'y appliquent pas actuellement) influencent la production agricole et le commerce des denrées agricoles.

Malgré toute l'importance de la coopération régionale et d'une politique nationale cohérente, un systéme commercial multilatéral reste d'une importance vitale. Pour relancer la coopération commerciale multilatérale, les Etats doivent collaborer pour résoudre les problèmes en suspens de l'agenda de Doha, comme les subventions agricoles et la hausse des tarifs douaniers. Il est incontestable que l'accord auquel est parvenue la récente conférence ministérielle de l'OMC à Bali constitue un atout pour le commerce mondial et la coopération multilatérale.

Mais les Etats doivent émettre des directives pour éviter que les méga-accords commerciaux préférentiels ne conduisent à une fragmentation économique. La réglementation future de l'OMC sur les restrictions aux exportations devrait contribuer à stabiliser les marchés internationaux des matières premières agricoles. La libéralisation des services pourrait être étendue et les subventions industrielles pourraient empêcher que la pression en faveur de  l'emploi ne fasse oublier l'innovation en matière d'environnement.

Les règles internationales sur l'investissement pourraient davantage insister sur l'efficacité de la distribution des ressources et les directives internationales sur la concurrence pourraient servir plus efficacement l'intérêt des consommateurs et des producteurs que ne le fait le système éclaté en place actuellement. Une coopération accrue avec le FMI sur les questions de taux de change et avec l'OIT sur les normes du travail pourrait diminuer les tensions commerciales et renforcer la contribution du commerce à l'amélioration de la vie des peuples.

Une stratégie commune sur les mesures non tarifaires diminuerait les frictions commerciales inutiles. Et des changements dans le secteur de la production d'énergie pourraient améliorer la coopération internationale sur le commerce de l'énergie et les investissements dans ce secteur.

Tout cela suppose que les pays émergents acceptent d'aligner leurs engagements commerciaux sur ceux des pays avancés, et que ces derniers reconnaissent que les pays émergents doivent bénéficier de longues périodes transitoires. En 2014 et après, toutes les parties doivent reconnaître que dans un monde multipolaire, un systéme commercial mondial reposant sur des règles actualisées est le moyen le moins risqué de parvenir à leur objectif de croissance. Ainsi le récent accord auquel l'OMS est parvenue à Bali sur l'alignement des protocoles douaniers montre que des progrès importants peuvent être réalisés dans cette direction.

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

Copyright: Project Syndicate, 2013.
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