La Moudawana, constitution civile du Maroc
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Naceureddine Elafrite
Le 8 mars 2014 à 18h24
Modifié 8 mars 2014 à 18h24Il y a autant de manières de célébrer le 8 mars que d’êtres humains.
On peut “offrir des roses à la plus belle des roses“, avoir une pensée pour une femme ou des femmes de notre entourage, faire des cadeaux, rendre hommage… On peut lister le nombre de bachelières ou de docteures, de ministres ou de chefs d’entreprises. On peut dire, à raison, que nous avons des députées, une présidente du patronat, des femmes pilotes, des ministres…
On peut estimer qu’un jour ne suffit pas, et que les autres jours nous ne sommes pas censés ignorer les droits légitimes des femmes.
On peut défendre les femmes dans leur singularité comme on peut le faire dans un cadre plus général de défense des droits humains.
On peut faire dans la provocation comme les Femen ou sympathisantes Femen arabes qui se sont dévoilées le samedi mars devant le Louvre à Paris.
Le 8 mars a eu au fond un grand mérite : légitimer les revendications féminines qui doivent être celles de tout défenseur des droits humains.
Mais il ne faut pas faire l’impasse sur les questions de fond. Les voici :
1. La Moudawana est un acquis. Et selon la formule consacrée dans un autre pays, elle est la “constitution civile“ du Maroc. Promouvoir une égalité hommes-femmes signifie mécaniquement une promotion de la citoyenneté et des valeurs les plus démocratiques sur les plans politique et social. La Moudawana annonçait en quelque sorte, en toute logique, la Constitution de 2011.
La Moudawana n’est pas parfaite. La Constitution est perfectible.
2. Un acquis ne signifie pas que la situation est irréversible. On l’a vu en Tunisie où se sont multipliées [en vain, heureusement] les tentatives d’Ennahdha pour revenir sur le statut libéral de la femme. Si la contre-révolution a échoué, c’est grâce à la vigilance de la société civile et d’une petite partie de la classe politique.
3. Les femmes marocaines doivent la Moudawana à leur combat, certes, mais surtout à Mohammed VI. Le gouvernement socialiste de l’époque n’avait pas pu avancer d’un centimètre dans son fameux plan de promotion de la femme, qui était trop timide par rapport à la Moudawana de 2003. Comme en Tunisie au temps de Bourguiba, si on avait recherché le consensus ou si on s’était contenté de rapports de force numériques, la Moudawana n’aurait jamais été adoptée. Il a fallu le poids moral et politique de Mohammed VI pour qu’elle le soit.
4. Beaucoup reste à faire pour la femme. Sur le plan juridique, l’esprit de la Moudawana n’est pas tout le temps appliqué, la complaisance conduit à trop de mariages de mineures, le code pénal (viol…) n’a été amendé que sous la pression de l’émotion née de la tragédie Amina Filali…
5. La Moudawana est perfectible. Les femmes ittihadies ont eu raison de soulever le débat sur le mariage des mineures ou sur l’héritage. Aucun débat ne doit être tabou si on respecte les formes.
6. L’état d’esprit, au plus haut niveau du parti qui dirige le gouvernement, laisse à désirer. Il est en décalage avec les exigences des femmes et avec celles de notre temps.
Bien entendu, dans un double langage dont ils ont la maîtrise, les hommes du PJD nous assureront soutenir l’égalité et la parité. Mais où est passé le projet de loi contre les violences faites aux femmes?
Abdelilah Benkirane n’a pas admis qu’un homme puisse être condamné à la prison pour avoir corrigé sa femme [ou l’une de ses femmes]. C’est pour cela qu’il a retiré le projet de loi du circuit d’approbation. Pour s’en charger personnellement, en le déposant au frais dans un tiroir de son bureau où il dort profondément depuis le 7 novembre 2013.
7. La condition de la femme, la place qu'on lui consacre dans une famille, une entreprise, une nation, est un marqueur de progrès. Les esprits intégristes sont ceux qui croient encore, de nos jours, en l'infériorité féminine. Ce qui explique en grande partie leur projet de société et leur vision du monde.
Finalement, ce 8 mars vaut une rose : quelques pétales, beaucoup d’épines.