Elections. Pour les partis, c’est désormais changer ou mourir

Alors que les élections communales et régionales n’ont pas encore révélé leurs secrets, les projecteurs sont déjà braqués sur les législatives de 2016.

Elections. Pour les partis, c’est désormais changer ou mourir

Le 13 septembre 2015 à 20h12

Modifié 13 septembre 2015 à 20h12

Alors que les élections communales et régionales n’ont pas encore révélé leurs secrets, les projecteurs sont déjà braqués sur les législatives de 2016.

Un an sépare, en effet, les deux consultations populaires. Un an pendant lequel les partis politiques, toutes catégories confondues chercheront à ajuster leurs tirs pour un finish en tête du peloton. Pour y arriver, il faut bien lire les résultats des élections du 4 septembre.

Les résultats définitifs communiqués par le ministère de l’Intérieur donnent la place d’honneur au Parti de la Justice et du Développement (PJD). La formation pilotée par Abdelillah Benkirane a obtenu 1,67 million de voix aux régionales, talonnée de près par le Parti Authenticité et Modernité (PAM) avec 1,31 million de voix. L’Istiqlal et le RNI demeurent dans le haut de la liste avec respectivement 1 million pour le premier et 883.421 pour le second.

Taux de participation: la révolution n’a pas eu lieu

Que faut-il en conclure? Il est vrai que les régionales ne présentent pas les mêmes enjeux que les législatives.

Il n’en demeure pas moins que d’abord les consultations, aussi bien régionales que nationales pour les législatives, se font dans les mêmes circonscriptions électorales et, ensuite, l’électorat n’assimile pas entièrement la différence en terme d’enjeu et de compétences opérationnelles.

Donc une comparaison législatives 2011 Vs régionales 2015 pourrait renseigner sur les tendances des législatives 2016. Cela est d’autant plus pertinent que les résultats ne diffèrent pas d’une consultation à l’autre.

Le taux de participation a évolué d’un scrutin à l’autre, mais il serait abusif de crier victoire: le Marocain demeure désintéressé de la politique. En 2011, en reprenant les chiffres officiels, 13,1 millions de citoyens étaient inscrits sur les listes électorales, sur un total de 21 millions de personne en âge de voter.

Sur ce chapitre, la carte électorale n’a pas changé. En 2015, on constate la même proportion de désintéressement politique avec la même tendance dans les centres urbains à forte densité démographique.

Côté voix exprimées, en 2011, le PJD arrive en tête avec 1,1 million de voix à l’issue d’un scrutin qui a mobilisé  45,4 % de la population inscrite sur les listes électorales. Le PAM, son challenger dans les régionales de 2015, était, en novembre 2011, placé à la quatrième place. L’Istiqlal, en revanche, était second et le RNI troisième.

Le score du PAM peut être justifié par deux facteurs :

-le contexte politique franchement anti PAM dans le sillage du printemps arabe

-l’incapacité du parti à convaincre par son projet de société.

En 2015, la donne change pour le PAM, mais aussi pour le PJD.

D’emblée, prendre les scores enregistrés par les partis formant la majorité parlementaire pour un encouragement est une erreur.

S’aventurer sur ce terrain, c’est être capable de prouver le lien de cause à effet entre des décisions gouvernementales et le choix des électeurs. Une opération quasi impossible dans le contexte marocain.

Pour preuve, le RNI, pilotant le département de l’agriculture, devait en principe et considérant les résultats supposés positifs du Plan Maroc Vert, être favorisé dans les milieux ruraux. Ce n’est pas le cas. Le parti de Salaheddine Mezouar continue à réaliser des scores élevés dans les centres urbains et fait figure de nain électoral dans le rural.

A quelques exceptions près, le vote de septembre demeure dans la continuité. L’augmentation notée et des voix et donc des sièges est à attribuer à une avancée arithmétique plutôt que politique.

Aussi bien le PAM que le PJD ont amélioré leur couverture territoriale tout en maintenant les lignes de démarcations traditionnelles: l’un fortement ancré dans le rural en s’appuyant sur la machine électorale des notables et le PJD indéniablement enraciné dans les grands centres urbains.

Un détail en plus: ce dernier a bénéficié en 2015 d’une infime partie des votes sanctions, notamment à Fès, Tanger, Marrakech et Casablanca.

Le statu quo de 2016

La même tendance se profile pour 2016. En une année, les partis politiques présidant les communes et les régions n’auront pas le temps de démontrer leur savoir-faire.

La mise en place des bureaux se fera cette semaine, mais les budgets et les attributions ne seront disponibles qu’à partir de mars ou avril 2016, après l’entrée en vigueur de la loi des Finances de l’année et le transfert des budgets vers les collectivités locales.

En revanche, à moins d’un désastre économique en 2016, les observateurs s’attendent à un remake des législatives 2011.

L’expérience marocaine, qui reste une vraie exception sur ce point, a démontré que le vote des électeurs est complètement détaché par rapport aux bilans gouvernementaux. Que ces derniers soient bons ou mauvais, il suffit de bien vendre son image pour s’adjuger une place au soleil et maintenir son leadership.

Le jeu des notables y est pour une bonne partie, mais aussi le penchant clientéliste des électeurs: le notable, le corrupteur ou encore le candidat «qui rend service» sont toujours des favoris. Il est vrai que l’arrivée du PJD constitue une rupture, mais qui ne s’affirme pas partout sur le territoire nationale ni avec la même portée.

La carte politique dégagerait ainsi la même majorité avec  le rôle de «parti balance» du RNI et du MP. Comme l’a si bien dit Abdelilah Benkirane, «le peuple marocain apprend à connaître progressivement le PJD».

Avec une couverture territoriale plus large, le parti de la lampe est parti pour un autre mandat au gouvernement. Surtout que l’Istiqlal son rival sérieux du passé, vit une crise interne de laquelle il ne sortira pas indemne.

Le PAM, lui, a démontré qu’il était, au fond, mal structuré et peu préparé pour mener une campagne électorale qui peut faire la différence. A cela s’ajoute sa faiblesse pour les notables et sa difficulté à vendre à l’électorat un projet de société convaincant.

La gauche, celle-là même qui se plaignait dans les années 80 et 90 du scrutin proportionnel, ne vit désormais que grâce à lui. Elle continuera à profiter maigrement des opérations électorales en attendant qu’elle fasse sa mue et surtout qu’elle retrouve ses titres de noblesse.

Le danger des législatives 2021

Tous les partis s’usent au contact du pouvoir. Le PJD, à moins de se régénérer autrement, n’échappera pas à cette règle.

De même, les élections de 2015 nous révèlent que le jeu des notables est en perte de vitesse. Il est toujours présent, mais moins impactant que par le passé.

Ce qui laisse présager deux scénarios:

1-la majorité gouvernementale s’affirme comme un vecteur de changement avec des décisions ayant un impact touchant profondément la société. Que les villes soient belles ou pas, l’électeur reste lié à des fondamentaux inchangeables.

Il est sensible à des décisions touchant sa vie quotidienne, surtout dans le domaine de l’éducation, l’emploi, la santé, la justice, la sécurité et le rapport à l’autorité. Des dossiers difficiles avec des passifs qui s’engraissent de l’incapacité des gouvernements successifs à assainir en profondeur.

L’après 2016 se jouera sur ces terrains et la carte politique également. Donc si la majorité s’affirme comme meneuse du changement, les législatives 2021 seront sans danger.

2-Inversement, la majorité s’inscrit dans la continuité avec un faible rendu sur les dossiers sociaux.

Dans ce scénario, le PJD perdra sa crédibilité et son crédo de «parti intègre» ne suffira plus à mobiliser les foules.

En face, ses alliés au gouvernement seront en mort clinique. L’alternative que le PAM souhaite incarner est possible si ce dernier regroupe autour de lui un pôle de droite libérale à nuance socio-démocrate bâti sur une idéologie claire, affranchie et surtout porteuse d’un projet de société.

Et franchement rien ne laisse présager la capacité du PAM à opérer ce changement. Le satisfécit affiché par le parti, à l’issue du scrutin du 4 septembre, n’est pas rassurant ni pour lui ni pour la scène politique marocaine.

La nature ayant horreur du vide, l’alternative marchera sur les cadavres des formations actuelles et personne ne peut prédire quelle forme elle aura.

Ce qui est certain actuellement, c’est que la grogne et le désintérêt sont déjà là: dans une ville comme Casablanca, la plus grande concentration démographique du pays et la plus riche du Royaume, le taux de participation aux élections de 2015 n’a pas dépassé 21%.

Les autres grands conglomérats du pays affichent également des taux de vote entre 25 et 35%. Le vide se creuse dans un pays qui s’urbanise à une vitesse grand V. Un vide politique qui deviendrait un abysse contre lequel «l’exception marocaine» se sera pas de taille.    

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