Nadia Fettah : l’électrochoc dont le tourisme a besoin ?

Elle est l’une des surprises de ce dernier remaniement ministériel. Nadia Fettah Alaoui qui a passé toute sa carrière dans le privé s’occupera désormais du département du Tourisme. Cette fille d’ex-ministre, qui s’est forgée une carrière dans le privé, finit par marcher sur les traces de son défunt père. Portrait.

Nadia Fettah : l’électrochoc dont le tourisme a besoin ?

Le 11 octobre 2019 à 15h26

Modifié 11 avril 2021 à 2h43

Elle est l’une des surprises de ce dernier remaniement ministériel. Nadia Fettah Alaoui qui a passé toute sa carrière dans le privé s’occupera désormais du département du Tourisme. Cette fille d’ex-ministre, qui s’est forgée une carrière dans le privé, finit par marcher sur les traces de son défunt père. Portrait.

Elles sont quatre femmes à rejoindre le gouvernement Elothmani III. Parmi elles, un profil surprend plus d’un. Il s’agit de Nadia Fettah Alaoui qui devient depuis ce 9 octobre, ministre du Tourisme, de l'Artisanat, du Transport aérien et de l'Economie sociale.

Pour beaucoup, Nadia Fettah cristallise le renouveau et la compétence, recherchés dans ce nouvel exécutif. Elle est aussi la première ministre femme à diriger ce département stratégique qui était piloté jusque-là par le binôme Sajid-Boutaleb.

Pourquoi elle et pas un autre profil ?, s’interrogent certains. Peut-être que la réponse se trouve dans le parcours sans faute de cette lauréate de la prestigieuse école HEC.

De l’audit au Private Equity en passant par l’assurance

Son diplôme en poche, elle intègre le cabinet Arthur & Andersen qui était l’un des Big Five régnant sur l'audit et le conseil dans le monde. Nadia Fettah y passe trois ans avant de rejoindre la Compagnie Africaine d’Assurance où elle s’occupe de la gestion et du redressement du département santé. Ce fut son premier contact avec le monde de l’assurance, mais qui ne durera pas longtemps.

Trois ans à peine dans ce poste et Nadia Fettah change de cap. "L’entreprise a été rachetée par AXA et je suis partie en courant parce que je n’ai pas aimé la fusion", raconte-t-elle en 2016 dans une vidéo diffusée par le réseau Alumni de HEC. 

Elle quitte donc et se lance dans une aventure au vrai sens du terme. "J’ai fait un choix qui a surpris, lorsque j’ai quitté la Compagnie Africaine d’Assurance, qui allait devenir AXA, pour rejoindre mon groupe tunisien de Private Equity", poursuit-elle. Le groupe tunisien en question était AfricInvest qui cherchait au début des années 2000 à élargir leur activité au Maghreb.

"Je les avais rencontrés à Tunis, j’ai travaillé sans contrat pendant 6 mois, et je leur ai fait confiance, en dépit de tous les conseils de mon entourage. J’ai fait ce choix parce que je voyais AXA comme une entreprise très carrée, j’avais peur de m’ennuyer. Tandis que ces bonshommes à Tunis voulaient s’amuser et conquérir le monde, ils étaient les seuls à y croire, et moi aussi. Je me suis dit qu’il n’était pas question que je reste enfermée dans un bureau alors qu’il y a des gens qui savent faire des choses pareilles, ou qui en ont envie", relate-t-elle.

Ce fut alors la naissance de MarocInvest. "MarocInvest fait partie des pionniers du capital investissement au Maroc et doit beaucoup au talent et à l’engagement de Nadia qui en a assuré la direction depuis le démarrage", témoigne à Médias24 Brahim El Jaï, Senior Partner and MD of AfricInvest Morocco qui a connu Nadia Fettah, il y a 19 ans, lors de son premier entretien d’embauche au sein de MarocInvest. 

"Lorsque j’ai rejoint l’équipe, nous avons démarré l’aventure du premier fonds de capital investissement ayant une approche régionale, le Maghreb en l’occurrence. Nadia a en effet joué un rôle moteur non seulement au sein du groupe (aujourd’hui AfricInvest) mais aussi pour la vulgarisation du capital investissement auprès de bon nombre d’entrepreneurs", poursuit notre interlocuteur.

"Elle en a marqué un certain nombre et sans exagérer, tous ceux qu’elle a côtoyés se souviennent d’elle aujourd’hui encore, pour sa compétence bien sûr mais pas seulement ? car Nadia est une personne à la fois humble et pleine d’humour ? ce qui n’échappe à personne", ajoute-t-il. 

Ce n’est pas cet entrepreneur qui a croisé le chemin de Nadia Fettah quand le fonds est entré dans le capital de son entreprise qui dira le contraire. "Elle est vive et connaissait bien ses dossiers. Comme vous le savez, le capital investissement est un processus long, mais grâce à elle on a réduit les délais de manière considérable car on était sur la même longueur d’onde. C’était agréable de travailler avec elle", témoigne cet entrepreneur.

Adil Rais, le patron de Maghreb Accessoires a également eu affaire à Nadia Fettah du temps où le fonds a fait son entrée dans le capital de son entreprise. "Nadia, je l’ai toujours vue et sentie comme un esprit très vif. C’est une femme rapide d’esprit, très intelligente, directe et très rigoureuse sans être psychorigide", témoigne ce dernier.

De cette époque qui durera cinq bonnes années, Nadia Fettah dit en 2016 "que ça a complètement changé la trajectoire de ma carrière et je suis ravie d’avoir plongé !".

De Saham à Sanlam

Après son aventure dans le Private Equity, la jeune femme rejoint le groupe Saham qu’elle ne quittera qu’en 2018 lorsque le groupe cédera son pôle finance (Saham Finance) au Sud-africain Sanlam pour plus d’un milliard de dollars.

Nadia Fettah avait gravi les échelons au sein du groupe Saham en passant de directrice générale en charge du pôle support et finances à la CNIA (ancêtre de Saham assurances) au poste de directrice générale déléguée de Saham finances.

Pendant ce temps, le groupe qui opérait juste au Maroc s’est agrandi et a investi le continent pour devenir l’un des plus importants groupes panafricains d’assurances. Et Nadia Fettah y est pour quelque chose, car à partir de 2010, elle a accompagné Saham group dans ses opérations de fusions-acquisitions. Elle a géré aussi bien les fusions et acquisitions que le management des directions générales des filiales.

"Elle est impressionnante, elle a une double qualité en ce sens qu’elle est très stratégique et très opérationnelle à la fois. C’est probablement l’une des meilleures financières du pays", commente un de ses ex-collaborateurs au sein du groupe Saham.

Quand en 2016, on lui demande ce qu’elle aime dans son job, Nadia Fettah répond qu'elle aime : "être très souvent surprise par de nouveaux enjeux, par de nouvelles aventures". "Je déteste m’ennuyer au travail. L’autre chose qui me plaît beaucoup, c’est que j’habite à Casablanca mais quand j’arrive au bureau, je ne sais pas quelle va être ma priorité, des jours je suis concentrée sur l’Angola, d’autres jours sur la Côte d’Ivoire … ça c’est passionnant car je voyage tous les jours et je rentre chez moi le soir à Casablanca", ajoute-t-elle. 

Cette passion la mènera au plus haut dans la chaîne de décision. Avant d’être nommée ministre, Nadia Fettah était CEO de Sanlam Panafrica General Insurance qui recouvre le périmètre de l'ex-Saham finances en coiffant plus d’une soixantaine de filiales dans plusieurs pays du continent.

Mais avant de prendre ses marques dans le cadre de la nouvelle organisation du groupe Sud-africain, celle qui a fait l’école publique et s’est forgé une carrière dans le privé que plusieurs envient a été appelée pour rejoindre le gouvernement de Saâdeddine Elotmani. Elle suit ainsi les pas de son défunt père, Mohamed Fettah, grand commis de l’État qui a été ministre des Mines et de l’Energie et directeur général d'OCP.

Le tourisme, un secteur en quête de vision

Cela dit, le portefeuille qu’elle dirige est un des plus complexes et stratégiques. Le tourisme a traversé ses dernières années plusieurs difficultés à la fois sur le plan stratégique et opérationnel. Les flops stratégiques combinés au contexte international difficile font que le secteur a essuyé plusieurs coups et tente de se relever.

Dans quel état va-t-elle donc reprendre ce secteur du tourisme ?  "Aujourd’hui, le secteur est en bon état, il est en pleine croissance et les voyants sont au vert au niveau des arrivées et des nuitées, l’épisode de la faillite de Thomas Cook mise à part, car c’est la seule ombre au tableau. La confiance revient. Néanmoins, il faut rester vigilant car c’est un secteur cyclique et fragile", nous répond Fouzi Zemrani, vice-président de la Confédération nationale du tourisme (CNT).

A la question de savoir comment les opérateurs ont accueilli l’annonce de la nomination de Nadia Fettah, Fouzi Zemrani rétorque : "Au premier abord, je pense que c’est une bonne chose pour le secteur. Nous avons une dame avec une poigne de fer car elle a un excellent parcours, c’est une tête bien faite. Elle connaît les attentes du secteur privé puisqu’elle vient d’une grande entreprise. Pour le moment, tout le monde en pense le plus grand bien, on en reparlera à l’issue des 100 premiers jours".

Nadia Fettah dispose d’une bonne base "elle a un bon élément au niveau de l’ONMT. Elle a une équipe professionnelle au ministère. Et puis elle va apporter sa touche personnelle et son sens aiguisé des affaires", avance le vice-président de la CNT qui explique que les professionnels ne sentaient pas vraiment une véritable mobilisation pour le secteur de la part du ministre sortant.

Qu’attendent les professionnels du tourisme de la nouvelle ministre ? "Une véritable feuille de route de la part du ministère qui soit en rupture avec le passé. On a beaucoup parlé, par le passé, du digital mais nous n’avons rien vu. On a parlé de changements de paradigmes mais rien n’a changé au sein du ministère. Il y a aussi plusieurs problèmes latents qui n’ont pas été réglés comme le plan azur, la reprise en main de la vision 2020…", répond notre interlocuteur qui assure que les professionnels sont prêts à accompagner la ministre dans toute impulsion qu’elle voudra donner au secteur.

"Notre feuille de route est prête depuis longtemps, nous sommes prêts à la partager avec elle, et on a de quoi travailler au moins pendant les six premiers mois de son mandat", ajoute Fouzi Zemrani.

"On peut s’accompagner mutuellement et, ensemble, créer une vision commune. Elle vient d’un secteur qui n’a rien à voir avec le tourisme. Les assurances, c’est un secteur cartésien, alors que nous, nous vendons du rêve… Donc peut-être que la combinaison entre rêve et réalité nous permettra de faire avancer le secteur", conclut-il.

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