France et Islam. La société de délation en marche !

L’appel de Macron pour une société de vigilance n’est pas resté sans suite. Premier à le mettre en application: l’Université de Cergy-Pontoise qui a diffusé, avant de se rétracter, une liste pour ficher les musulmans qui présentent des signes de radicalisation. Caricatural et effrayant à la fois.

France et Islam. La société de délation en marche !

Le 16 octobre 2019 à 9h42

Modifié le 11 avril 2021 à 2h43

L’appel de Macron pour une société de vigilance n’est pas resté sans suite. Premier à le mettre en application: l’Université de Cergy-Pontoise qui a diffusé, avant de se rétracter, une liste pour ficher les musulmans qui présentent des signes de radicalisation. Caricatural et effrayant à la fois.

L’appel à une "société de vigilance" lancé, le 8 octobre, par Emmanuel Macron fait des ravages. Le président français rendait hommage ce jour-là aux victimes de l’attentat de la préfecture de Paris, mais lançait également une guerre d’un nouveau genre contre "l’hydre islamiste".

Sa méthode: impliquer toute la nation dans la lutte contre la radicalisation, en demandant à chaque citoyen de signaler des comportements suspects, de "repérer" au travail, dans les lieux de culte ou autour de soi "les relâchements", "les déviations", "ces petits gestes" qui signalent un éloignement avec les lois et les valeurs de la République.

L’horrible liste de Cergy

A l’Université de Cergy-Pontoise (région parisienne), cet appel n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

Lundi, le corps enseignant de la fac ainsi que l’ensemble de son personnel reçoit un mail du responsable de la sécurité-défense pour les appeler à signaler les individus, étudiants et collègues, qui risquent de se radicaliser.

Il les invite à remplir "une fiche de remontée de signaux faibles", un tableur Excel où l’employé de l’université n’a qu’à cocher des cases.

Dans un article publié par Médias24 au lendemain du discours du président français, on se demandait comment cette "société de vigilance" allait être concrètement mise en place, sur quelle base une radicalisation pouvait-elle être signalée, comment pouvait-on la détecter, la prouver…

Le responsable de la sécurité-défense de la fac de Cergy donne dans sa fiche des éléments de réponse inattendus et troublants.

Comment donc repérer un radical en herbe ? Voici quelques indices:

- Changement de physionomie avec port de la barbe sans moustache,

- Apparition du voile,

- Changement vestimentaire avec port d’une djellaba, ou d’un pantalon dont les jambes s’arrêtent à mi-mollets pour un homme,

- Absentéisme récurrent aux heures de prières ou plus largement le vendredi,

- Chute inexplicable des notes,

- Arrêt d’utilisation des réseaux sociaux,

- Refus de l’autorité des femmes,

- Arrêt de consommation de boissons alcoolisées, ou arrêt soudain de nourriture à base de porc, consommation récente de produits halal, arrêt de faire la fête,

- Remise en cause du programme ou du contenu des enseignements,

- L’intérêt soudain pour l’actualité nationale et internationale ou pour la religion…

Le must : si aucun de ces indices n’est visible, on est peut être face à de la "dissimulation des signaux faibles", suggère la fiche.

Un rétropédalage maladroit

Publiée et dénoncée par des profs de l’université sur les réseaux sociaux, la fiche est vite désapprouvée par la ministre de l’Enseignement supérieur:

"Je désapprouve la 'fiche de remontée de signaux faibles', justement retirée par l’@UniversiteCergy. Si la lutte contre la radicalisation appelle la vigilance de chacun, ce combat ne sera jamais gagnant s’il s’appuie sur des préjugés et des caricatures.', écrit Frédérique Vidal sur Twitter. 

La fiche a été également désapprouvée par la présidence de l’université, qui plaide (de manière très maladroite) le malentendu.  

L’université ne dénonce pas un acte raciste (car c’est de cela qu’il s’agit), mais tente simplement de lever "l’ambiguïté" quant à l’objet du message, qui ne visait qu’à apporter "une assistance" aux personnes pouvant être touchées par les phénomènes de radicalisation.

La présidence de l’université n‘invalide pas non plus le contenu du message et du formulaire à remplir, qu’elle qualifie simplement "d’inapproprié", mais "regrette" simplement le fait que cette démarche ait pu "heurter" ou "choquer" certaines personnes.

La fiche est donc retirée, décide l’université, mais aucune décision contre le responsable de la sécurité-défense n’est prononcée, comme s’il s’agissait d’une banale erreur administrative sans conséquence. 

Pourquoi justement être plus royaliste que le roi ? La fiche de Cergy n’est finalement que la matérialisation de l’appel du président et de son articulation détaillée par le Premier ministre et son ministre de l’Intérieur.

La liste de Castaner aussi caricaturale

Interrogé, jeudi 10 octobre, en commission parlementaire à propos de l’attaque de la préfecture de Paris, Christophe Castaner s’est, par exemple, livré à la description de ce qu’il considère être des "signes de radicalisation islamiste".

Sa liste d’indices est aussi caricaturale que ces "signaux faibles" dressés par le responsable sécurité-défense de l’Université de Cergy: "une pratique rigoriste, particulièrement exacerbée en période de ramadan, le port de la barbe, le refus de la bise, une pratique régulière et ostentatoire de la prière rituelle, présence d’une hyperkératose au milieu du front… ".

Une stigmatisation pure et dure, qui n’est plus l’apanage des mouvements d’extrême droite, mais qui vient désormais du sommet de l’Etat. Et qui rappelle, comme le signalent plusieurs intellectuels et journalistes français, les mêmes procédés utilisés sous Vichy pour ficher les juifs. 

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