« Résonances oasiennes », un ouvrage qui décortique la singularité des oasis

Dans l’ouvrage « Résonances oasiennes. Approches sensibles de l’urbain au Sahara », une vingtaine de chercheurs proposent une nouvelle lecture des zones oasiennes, loin d’être de simples décors touristiques ou des espaces agricoles exploitables. Ils abordent notamment les profonds liens humains qui les régissent et montrent comment les communautés humaines sont en relation très étroite avec les éléments naturels.

La chercheuse égyptienne Noha Gamal Saïd procédant aux enregistrements sonores à Nefta, en Tunisie.

« Résonances oasiennes », un ouvrage qui décortique la singularité des oasis

Le 4 juin 2021 à 16h32

Modifié 5 juin 2021 à 11h15

Dans l’ouvrage « Résonances oasiennes. Approches sensibles de l’urbain au Sahara », une vingtaine de chercheurs proposent une nouvelle lecture des zones oasiennes, loin d’être de simples décors touristiques ou des espaces agricoles exploitables. Ils abordent notamment les profonds liens humains qui les régissent et montrent comment les communautés humaines sont en relation très étroite avec les éléments naturels.

Les éditions suisses Metispresses ont publié, en avril dernier, un ouvrage intitulé « Résonances oasiennes. Approches sensibles de l’urbain au Sahara » (368 pages), dirigé par les chercheurs Marc Breviglieri, Noha Gamal Said et David Goeury. Il est téléchargeable via Epub, un format dédié aux livres numériques.

« Cet ouvrage s’inscrit dans le cadre d’un programme de recherche international sur les cités oasiennes. Il concerne le Maroc et la Tunisie principalement, et intègre aussi l’Algérie et l’Égypte. Il s’est développé en plusieurs volets dont le premier porte sur les approches sensibles qui ont conduit à la publication de cet ouvrage, suivi d’un deuxième sur l’innovation adaptée et appropriée dans le cadre de la réutilisation des eaux urbaines et à vocation agricole. Le troisième volet concerne le système agri-urbain, puisque la ville et l’agriculture sont intimement liées. Enfin, le quatrième porte sur l’agro-écologie et l’écoconstruction », explique à Médias24 David Goeury, docteur en géographie, membre du laboratoire Médiations Sciences des liens, sciences des lieux (Sorbonne Université) et chercheur associé au Centre Jacques Berque de Rabat.

Et d’ajouter : « La particularité de cet ouvrage, c’est que l’on documente beaucoup de projets et d’initiatives menés par des architectes engagés sur des réflexions alternatives. La plupart des auteurs sont effectivement architectes de formation. Il y a aussi des sociologues spécialisés dans les questions liées à la vulnérabilité, à la jeunesse, à la petite enfance, ainsi que des géographes et des historiens. La réflexion de cet ouvrage a été de fournir un travail collectif, et non pas une série d’articles. On a mené des séminaires de recherche collectifs, qui sont des moments où l’ensemble des chercheurs travaillent en commun sur un terrain, une localité. A partir de ce travail collectif, on a co-rédigé des réflexions sur le destin des cités oasiennes et l’importance de réfléchir à ces cités, qui nous inspirent un certain nombre d’enseignements sur l’urbanisme contemporain. »

Des technologies européennes inadaptées aux oasis

L’ouvrage, ponctué de cartographies et d’ambiances sonores, prend le contre-pied de la conception habituellement réservée aux zones oasiennes, présentées comme des décors touristiques ou de simples potentiels agricoles susceptibles d’exploitation, et de surcroît malmenées par des politiques de rationalisation et des modèles venus de l’Occident totalement inadaptés.

« Le grand problème aujourd’hui, c’est qu’on a construit une science de la séparation. Toute l’approche a été de séparer systématiquement les objets : on sépare les hommes du végétal, la ville de l’agriculture… Au-delà de la question de la séparation, on divise les problèmes en une série de petits problèmes auxquels on apporte que des petites solutions. Or ces solutions sont inefficaces pour régler les problèmes d’adaptation aux aléas climatiques et amènent toujours à la transposition de solutions techniques exogènes. En fait, on transpose des normes et des standards européens dans des conditions totalement inadaptées », justifie David Goeury.

Ce chercheur estime par conséquent que « l’ingénieur est toujours entre le bricolage et la bavure » « Dans les cités oasiennes, les projets, c’est soit du bricolage, soit une bavure, c’est-à-dire un échec absolu. Dans le contexte de transposition de ces technologies, on ne fait que renforcer des solutions techniques très énergivores, comme des infrastructures en béton, en ciment. Les projets ne sont jamais achevés correctement car les gens n’en ont pas les moyens… On observe donc en permanence des crises sur le prix de l’électricité, les ressources en eau, tout simplement parce qu’on a transposé des technologies inadaptées, sans réfléchir à ce qui pourrait assurer la pérennité des cités oasiennes. »

La richesse des liens qui structurent les zones oasiennes

Un autre volet abordé dans l’ouvrage est celui de l’importance des liens qui régissent la vie des communautés de ces zones oasiennes. « « Si on observe de façon très simple le mode de vie des habitants au quotidien, on s’aperçoit qu’ils développent des relations alternatives et très pérennes. Ils ne vont pas se conformer aux injonctions administratives (celles des agences urbaines, des agences de développement, des directions provinciales de l’Agriculture ou encore des administrations communales), et aux injonctions en général. Ils vont plutôt maintenir des solutions pérennes, c’est-à-dire des solutions collectives. Les habitants s’organisent collectivement, autour de systèmes historiques qui fonctionnent toujours pour gérer, ne serait-ce que la rue du quartier, les espaces agricoles (dont les oasis). Ces espaces sont toujours en relation avec des collectifs et se maintiennent dans le temps », observe David Goeury.

Justement, pourquoi et comment se maintiennent ces espaces, qui sont pourtant menacés de disparition à cause du changement climatique ? « Parce que dans les cités oasiennes, les gens qui ont la possibilité de maintenir ces espaces sont des catégories souvent marginalisées, auxquelles on ne porte pas d’intérêt. On s’intéresse beaucoup plus aux entrepreneurs agricoles, c’est-à-dire aux catégories performantes. Quand on regarde les situations concrètes, on comprend qu’aujourd’hui, les cités oasiennes se maintiennent grâce à des personnes retraitées qui ont connu une expérience de vie dans les grandes métropoles et font un retour à la terre pour y préserver des périmètres agricoles, en n’ayant pas du tout un objectif de performance économique, mais de transmission. Le travail de Khadija Zahi et Hind Ftouhi souligne bien tous ces individus qui sont minorés et ignorés et dont les motivations s’appuient sur la mémoire et sur un rapport affectif très fort qui les pousse à maintenir ces espaces. »

Ce qui fait la richesse des oasis, c’est donc justement la densité des liens autour desquels elles sont structurées. « On voit bien qu’on a construit des injonctions à la séparation des liens. Aujourd’hui, tout passe par ordinateur et ces populations se voient parfois proposer des choses qui n’ont aucun lien avec leur environnement. On désincarne tout. Il n’y a plus de réflexion sur la relation avec le végétal, sur les matériaux… Alors que les cités oasiennes sont des structures construites très profondément sur les liens sociaux (les liens de voisinage, les collectifs, les questions de solidarité) et les liens entre toutes les formes de vie. Elles montrent bien comment les communautés humaines sont en relation très étroite avec les végétaux, les animaux ; justement pour mettre en place une situation de subsistance pérenne », conclut David Goeury.

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