Grands électeurs : le “confinement”, un surprenant recours pour lutter contre l'achat de voix
Les partis donnent des consignes de vote et peaufinent leurs alliances en vue des élections des bureaux des conseils communaux et régionaux, qui auront lieu du 16 au 25 septembre. Comment garantir le respect de ces consignes ?
Grands électeurs : le “confinement”, un surprenant recours pour lutter contre l'achat de voix
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Abdelali El Hourri
Le 13 septembre 2021 à 20h39
Modifié 14 septembre 2021 à 8h55Les partis donnent des consignes de vote et peaufinent leurs alliances en vue des élections des bureaux des conseils communaux et régionaux, qui auront lieu du 16 au 25 septembre. Comment garantir le respect de ces consignes ?
Régionales et communales, l’échéance du 8 septembre n’était qu’une étape. La prochaine - fatidique - s’étalera entre le 16 et 25 septembre. Elle verra ces collectivités élire leurs présidents, vice-présidents, secrétaires généraux, etc. Des élections qui ont leurs propres modes de scrutin. Et leurs propres collèges électoraux : les élus eux-mêmes. On parle de "grands électeurs", pour les distinguer du corps composé du commun des citoyens inscrits aux listes électorales.
Dans certaines communes ou régions, des partis annoncent déjà la couleur, communiquant sur leurs alliances et le parti dont émanerait la présidence. A ce stade, il s'agit d'annonces, sans grande valeur tant qu’elles ne sont pas converties par le scrutin.
Pour les formations concernées, proclamer une intention de vote est une chose. Mobiliser ses troupes, garantir leur alignement sur les consignes de vote en est une autre. Et pour y parvenir, certains comptent sur la discipline au sein du parti. D’autres font appel à une pratique étonnante. "Nous les réunissons dans une ferme (ou une villa, ou un hôtel) où leurs téléphones sont réquisitionnés. Ils ne sont libérés qu’avant l’élection", nous confie cet homme politique.
Libérés... car dans les milieux politiques, on parle aisément de "séquestration", certes "volontaire". D’autres évoquent "un confinement" ou une "mise en quarantaine" électorale et non sanitaire.
Un sujet tabou dans la sphère politique, une pratique répandue
"Le sujet est tabou dans la sphère politique. Mais la pratique est répandue", note cet élu local qui vient de quitter son parti. Il révèle qu’en 2015, il avait été "confiné" quelques heures avant les élections du maire. "C’était assez court car notre parti avait suffisamment d’avance pour anticiper la victoire", dit-il.
Pour certaines formations, c’est une manière d’anticiper les imprévus. Cet autre conseiller local nous relate une anecdote datant également de 2015. "Après avoir reçu des instructions de vote, un des élus a disparu du jour au lendemain et n’est réapparu que le jour du scrutin, où il a été le seul à voter à rebours de son parti politique. Sa voix a d’ailleurs fait basculer les résultats."
Au reste, l’objectif est de prémunir les futurs votants contre toute pression, voire tentation. L’achat des voix de grands électeurs est, là aussi, un sujet sensible et peu connu du grand public. Mais que dit la loi ?
"Juridiquement, la notion de grands électeurs n’existe pas en droit marocain. Quand il s’agit de corruption électorale, tous les électeurs subissent la même règle pénale, de manière générale et impersonnelle", estime cet avocat, qui endosse également une casquette partisane. Notre source pose "le problème de la preuve, quasi impossible pour ce type de comportement."
Le sujet est sérieux, tellement sérieux que la Justice peut volontiers autoriser la mise sur écoute des suspects, une procédure pourtant exceptionnelle (réservée aux faits relevant du terrorisme, du crime organisé, etc.).
Le précédent le plus connu remonte à 2015, toujours. Mais cette fois-ci, il concerne les élections des membres de la Chambre des conseillers, échéances où sont sollicités les grands électeurs. Certains candidats avaient été condamnés pour avoir distribué de l’argent et accordé des dons en contrepartie de promesses de vote. L’enquête avait également relevé des montants atteignant 100.000 DH versés à des fonctionnaires, qui étaient censés intervenir dans l’opération électorale au profit de ces candidats.
Ces faits avaient été dénoncés grâce à l’interception de communications téléphoniques. Contestée par les accusés, cette procédure a par la suite été validée par la Cour constitutionnelle, comme le signale une étude parvenue à Médias24, signée Hamid Rbii, professeur de droit constitutionnel à la faculté d’Oujda.
Sollicité par Médias24, un confrère de la même faculté a attiré notre attention sur "deux éléments : primo, l’élection des présidents des instances élues est publique, ce qui rend difficile pour tout élu de contrevenir aux consignes de son parti. Secundo, et c’est le plus important, les récentes modifications [des lois électorales] permettent aux partis politiques, selon une procédure déterminée, de demander la déchéance pour tout élu de son adhésion s’il fait preuve d’indiscipline quant aux instructions du parti. Cette procédure a lieu devant les tribunaux administratifs pour les membres des collectivités territoriales", explique le professeur Younes El Merzougui.
"Cette nouvelle disposition aura un impact important de décourager l’intéressé de toute tentation", ajoute notre universitaire, mettant l’accent sur "l’importance des coalitions pour la formation des bureaux".
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