Vingt jours après son investiture, le gouvernement mis en difficulté

Vingt jours à peine après son entrée officielle en fonction, l’équipe Akhannouch fait face à une grogne et à des critiques portant notamment sur sa manière de faire, ses premières décisions et un sentiment de déception né après la présentation du projet de loi de Finances, que beaucoup estiment en deçà des attentes et des promesses tenues par le RNI et ses partenaires au gouvernement.

Vingt jours après son investiture, le gouvernement mis en difficulté

Le 2 novembre 2021 à 18h41

Modifié 2 novembre 2021 à 19h43

Vingt jours à peine après son entrée officielle en fonction, l’équipe Akhannouch fait face à une grogne et à des critiques portant notamment sur sa manière de faire, ses premières décisions et un sentiment de déception né après la présentation du projet de loi de Finances, que beaucoup estiment en deçà des attentes et des promesses tenues par le RNI et ses partenaires au gouvernement.

Vingt jours après son entrée en fonction officielle, le gouvernement Akhannouch fait déjà face à des critiques.

Les citoyens ne lui ont pas laissé de répit, même s’il n’est pas vraiment juste de juger l’action d’un exécutif en vingt jours, la tradition internationale voulant que l’état de grâce pour la nouvelle équipe entrante soit de cent jours.

Mais cet état de grâce a finalement été de courte durée. Beaucoup plus que ne le laissait penser la victoire écrasante et indiscutable du RNI, ainsi que le poids électoral de son alliance avec le PAM et l’Istiqlal.

Avant même d'avoir eu le temps de mettre en place les mesures de rupture promises pour les cent premiers jours, le gouvernement et son chef sont attaqués de toute part, affaiblis aussi bien par l’actualité et ses vicissitudes que par leurs propres erreurs.

Les mauvais signaux des premiers jours

La première d'entre elles, qui a donné un mauvais signal, a été le remaniement record - le plus rapide de l’histoire d’un gouvernement marocain - au ministère de la Santé, avec la « démission » de Nabila Rmili et le retour de Khalid Ait Taleb. Un jeu de chaises musicales opéré un jour à peine après l’investiture parlementaire de Aziz Akhannouch et de son équipe, que le gouvernement a eu du mal à expliquer, ou du moins à convaincre l’opinion publique de sa nécessité. L’argument avancé du choix personnel de Nabila Rmili de se consacrer à la mairie de Casablanca ne tenant pas la route, puisque d’autres ministres du gouvernement sont restés à leur poste tout en gardant la présidence de grandes mairies : Fatima-Zahra Mansouri à Marrakech, Abdellatif Ouahbi à Taroudant ou encore le chef du gouvernement à Agadir.

Deuxième mauvais signal qui a refroidi tous les espoirs placés en ce nouveau gouvernement : la présentation du PLF 2022 qui était censé refléter le virage promis par Aziz Akhannouch et son équipe, enclencher des ruptures fortes, et être le premier jalon de la mise en place de son ambitieux programme et des grandes promesses sociales et économiques de sa campagne. Là aussi, ça a été la douche froide pour tous ceux qui s’attendaient à un changement d’ère après les dix années du PJD aux commandes.

Le PLF comporte certes une fibre sociale indéniable, avec la hausse des budgets de la santé et de l’éducation, le lancement effectif du chantier royal de la généralisation de la protection sociale, le retour fort de l’État investisseur, avec un montant record de 245 milliards de dirhams de budget dédié à l’investissement public…

Mais les attentes étaient tellement grandes que ces mesures, qui étaient prévisibles, sont passées inaperçues et n’ont pas convaincu grand-monde. D'autant plus que, comme l’ont signalé plusieurs politiques et analystes économiques, rien n’a été prévu pour mettre fin à des phénomènes critiqués comme les dépenses fiscales, l’économie de rente, l’informel…

Rien n’a été prévu non plus sur le volet amélioration du pouvoir d’achat des ménages, une des grandes promesses du RNI. Bien au contraire, certaines mesures sont allées à l’encontre de ce qui été promis pour les couches sociales défavorisées et moyennes, comme la surtaxation de l’électroménager, mesure habillée sous le drap d’un prétexte écologique de préservation de l’environnement.

 

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Idem pour les entreprises structurées, organisées et transparentes qui contribuent toujours pour 80% aux recettes de l’État sur l’IS, qui se sont retrouvées, à nouveau, la cible des hausses d’impôts qui vont grever leur capacité bénéficiaire, au moment où elles entrevoient à peine la sortie de crise.

 

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Attendu sur plus d’équité fiscale, comme il l’avait promis dans son programme, et comme prévu dans la loi-cadre sur la réforme fiscale, le gouvernement a raté ce grand rendez-vous pour envoyer des messages de changement à la population et aux entrepreneurs.

Une déception qui a été renforcée par le faible taux de croissance projeté par le gouvernement (3,2%), et la masse des emplois qu’il prévoit de créer en 2022 qui ne dépasse pas les 125.000 postes. Loin des 250.000 emplois par an sur lesquels il s’était engagé dans son programme.

Un gouvernement qui pèche par manque de communication ?

Là encore, le gouvernement pouvait invoquer comme alibi le fait qu’il n’avait pas eu la main à 100% sur ce PLF, préparé par l’équipe sortante et sur lequel il n’a eu que dix jours pour mettre sa touche ; ou encore le fait que l’engagement de 4% de croissance annuelle et du million d’emplois à créer sont des objectifs qui courent sur les cinq ans de la mandature. Et que ce manque à gagner de 2022 sera rattrapé les quatre années suivantes.

Mais, à part les explications fournies par la ministre des Finances, Nadia Fettah, et son ministre délégué au Budget, Faouzi Lakjaa, au sein de la commission des Finances de la Première Chambre, ces messages ne sont pas parvenus à la population, faute d’une communication politique large et ciblée. Surtout dans un contexte où les prix des matières de première nécessité s’envolent et que les citoyens - qui ne sont pas tous experts en économie - y voient une politique gouvernementale, alors que ces hausses de prix sont avant tout une conséquence d’éléments exogènes sur lesquels l’exécutif n’a aucune prise.

Mais comme l'ont rappelé plusieurs sources, si un gouvernement peut être exposé à des effets exogènes liés au contexte international, comme le retour de l’inflation un peu partout dans le monde, il se doit de faire de la pédagogie et d'expliquer aux citoyens ce qu’il se passe. Son rôle consiste à leur donner de la visibilité en prenant des mesures, comme l’ont fait plusieurs gouvernements dans le monde (des chèques énergie pour compenser la hausse des prix du carburant, la fixation d’un plafond de prix momentané sur certaines matières, etc.) pour atténuer l'impact de l’envolée des prix des matières premières sur le pouvoir d’achat des ménages.

 

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Un sujet qui touche la grande majorité des ménages marocains, notamment les classes vulnérables et moyennes, et qui nécessite un fort engagement politique et un visage politique qui porte la bonne parole. Surtout dans un contexte où les Marocains s’attendaient à tout sauf à cela sous l’ère Akhannouch, qui a promis dans son programme de relever le niveau de vie des Marocains, d’améliorer leur pouvoir d’achat et leur situation financière…

 

Professeurs contractuels, mouvement antivax… la rue se fait entendre

Une série de malentendus à laquelle est venue se greffer la brûlante question des enseignants contractuels. Ces derniers, qui s’attendaient à une solution définitive de leur dossier, ont été surpris de découvrir, dans le PLF, que le gouvernement poursuivrait en 2022 la politique de ses prédécesseurs du PJD, avec le recrutement programmé de 15.000 nouveaux professeurs par les Académies régionales, et 2.000 autres cadres administratifs.

 

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Si une source gouvernementale nous a expliqué, il y a quelques jours, que cela n’était que temporaire et que le ministère de l’Éducation travaillait sur tout un programme pour régler ce dossier, unifier le statut des enseignants, recruter ces 15.000 professeurs sous le régime contractuel pour combler le déficit pressant en enseignants pour l’année 2022... les 102.000 contractuels, qui n’ont cessé de manifester dans la rue ces trois dernières années, ne l’entendent pas de cette oreille. Et prévoient déjà de reprendre le chemin de la protestation et de la rue, avec des grèves annoncées entre le 10 et le 13 novembre et un sit-in collectif pour le 16 novembre, comme nous l’annonce le responsable de la communication de la Coordination des professeurs contractuels, Rabii El Garii.

Des contestations qui viendront s’ajouter à celles déjà lancées contre la décision d’instauration du pass vaccinal.

 

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Une décision qui est mal passée et qui a mobilisé dimanche 31 octobre, une foule de manifestants dans plusieurs régions du Royaume, avec des slogans qui ont dépassé le sujet du pass pour s’étendre à des revendications purement politiques, avec un souffle clairement « 20-Févriériste ».

La récupération politique d’un sujet relevant de la santé publique et des libertés individuelles est certes présente. Mais selon plusieurs observateurs, le gouvernement y a ouvert la voie, en édictant de manière précipitée une décision d’une grande importance, qui a un impact direct sur la vie des citoyens, sans encore une fois en faire la pédagogie, essayer de convaincre… Et sans se donner le temps nécessaire pour que la population se prépare à l’entrée en vigueur de cette mesure. En effet, les citoyens n’ont eu que trois jours (du 18 au 21 octobre), en pleines vacances de Aïd Al Mawlid, pour se conformer aux nouvelles règles, dans ce qui rappelle les décisions « de minuit » du gouvernement El Otmani, qui semaient le désordre dans le pays.

Une décision légitime encore une fois, appliquée par plusieurs pays dans le monde, mais qui été mal préparée, poussant même les pro-pass vaccinal à s’y opposer. Et à critiquer la manière avec laquelle ce gouvernement, qui était censé incarner le changement, la rupture avec le passé, traitait les citoyens.

Un ensemble d'événements et d’erreurs, de fond et de forme, qui donnent l'impression que rien n’a changé dans « la maison de Loqmane », comme le dit l’adage arabe. Et signe un mauvais départ pour un gouvernement sur lequel les Marocains ont fondé beaucoup d’espoirs, à la mesure des attentes que le parti qui le dirige a suscitées, aussi bien au cours de sa campagne électorale qu’après sa victoire et la composition de son équipe.

Mais cela reste rattrapable si le chef du gouvernement et ses ministres prennent la mesure des tensions sociales naissantes et envoient, dans les jours qui viennent, une série de messages ; autant de mesures concrètes, sociales et économiques, qui apaiseront le climat général, calmeront la grogne populaire, et signeront le vrai départ de cette nouvelle ère promise par Aziz Akhannouch, son parti et ses partenaires aux affaires.

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