Fatima Zahra Mansouri : le bilan de mes 90 jours à la tête de la mairie de Marrakech

Trois mois après son élection à la tête de la commune de Marrakech, Fatima Zahra Mansouri revient pour Médias24 sur les changements opérés, et sur les projets de développement d’ici la fin de son mandat en 2027. Entretien avec la numéro 2 du PAM à la double casquette de ministre et de maire.

Fatima Zahra Mansouri : le bilan de mes 90 jours à la tête de la mairie de Marrakech

Le 6 janvier 2022 à 18h15

Modifié 6 janvier 2022 à 19h41

Trois mois après son élection à la tête de la commune de Marrakech, Fatima Zahra Mansouri revient pour Médias24 sur les changements opérés, et sur les projets de développement d’ici la fin de son mandat en 2027. Entretien avec la numéro 2 du PAM à la double casquette de ministre et de maire.

La coutume du bilan des 100 jours est devenue un rendez-vous incontournable de la presse dans de nombreux pays. Cette appellation a été utilisée pour la première fois par des journaux français.

Il est normal que l'on esquisse un premier bilan au bout d'un délai raisonnable, après l'installation d'une nouvelle équipe, qu'il s'agisse d'un gouvernement ou de maires.

Mais pourquoi 100 jours?

Après tout, on n'est pas obligé au Maroc de suivre une pratique importée. Et trois mois sont largement suffisants pour que s'éteigne l'état de grâce, et qu'un ministre - comme un gouvernement - ait élaboré un plan d'action et ait de la visibilité.

Nous avons donc opté pour cette durée de trois mois et entamons, dès aujourd'hui, une série d'articles sur les 90 jours des nouveaux responsables dans les mairies, les ministères ou à la primature.

C'est Fatima Zahra Mansouri, maire de Marrakech, qui ouvre le bal.

     Médias24 : Quatre-vingt-dix jours après votre désignation au gouvernement et à la tête de la mairie de Marrakech, avez-vous pris vos marques au ministère de l’Habitat et de l’urbanisme ainsi qu’au conseil de la ville ?

Fatim Zahra Mansouri : À la mairie, je n'ai pas eu besoin de prendre mes marques car non seulement j'ai été parlementaire de la ville, mais aussi parce que j'ai retrouvé une partie de l'équipe municipale que je connaissais bien quand j'étais présidente du conseil de la ville et, par conséquent, tout se passe très bien.

Depuis que j'ai été nommée ministre par Sa Majesté, ma priorité a été de mettre en place un diagnostic et de mieux comprendre le fonctionnement du ministère, qui rappelons-le, compte plusieurs départements (Aménagement du territoire, Habitat et Urbanisme), où il y a des niveaux de planification urbaine et de grands challenges sur le volet habitat.

Par conséquent, ces 90 jours écoulés ont été une période de diagnostic et de réflexion pour la mise en place d’une vision claire pour le département qui m’a été confié. Par ailleurs, quelques actions prioritaires ont été mises en œuvre et commencent à porter leurs fruits.

     - Comment arrivez-vous à vous dédoubler entre Rabat et Marrakech, et ce au détriment de votre vie privée ?

- Je ne me pose pas vraiment ce genre de question, car le meilleur moyen d'avancer est de faire ce que l'on doit faire sans s’interroger, surtout que j'en ai vu d'autres depuis le début de ma carrière politique.

Étant engagée dans la vie politique depuis un certain nombre d'années, j'ai une vraie passion pour la chose publique et une volonté de bien servir mes concitoyens auprès desquels je puise mon énergie.

Si en effet cela me coûte sur le plan familial, c'est aussi une grande leçon pour mes enfants de comprendre que quand on s'engage dans un domaine, il faut le faire avec le cœur et sans aucune limite.

     - Avez-vous eu le temps d'établir un plan d'action pour vos deux fonctions ou êtes-vous toujours dans la réflexion ?

- En ce qui concerne Marrakech, il y avait une nécessité de réagir rapidement sur la mise à niveau de la ville, dont les espaces verts étaient desséchés, et qui vivait un problème quant au nettoiement, ainsi que dans tous les dossiers qui font la qualité quotidienne de notre espace urbain.

Dès le premier jour de mon mandat, nous avons déclenché des dynamiques en mettant en place, par exemple, une opération intitulé "zéro gravats" qui a permis de les évacuer en quinze jours pour redonner à Marrakech ses lettres de noblesse.

Bien entendu, cela ne constitue pas un plan d'action, mais ces initiatives étaient tout de même nécessaires pour montrer la beauté de la ville et pour qu’elle retrouve sa qualité de vie.

Nous avons fait la même chose pour l'éclairage public, où on relevait des dysfonctionnements dans l'agencement des actions de certaines sociétés de développement local (SDL).

Sur le volet urbanisme, il y avait également des blocages importants, et j'ai donc créé au sein de la mairie un comité pour débloquer un certain nombre de dossiers.

Cela a permis en deux ou trois séances de travail, avec l’aide du wali de la ville et du président de la région, de relancer plusieurs dossiers d’investissements lourds et générateurs d’emplois.

C'est un challenge important qui commence à porter ses fruits et dont les investisseurs sont ravis, car en ces temps difficiles de crise sanitaire, il fallait montrer que Marrakech était aussi capable de vivre de son investissement, et surtout de créer des emplois dans la ville et la région.

Nous avons également déclenché le Plan d’action communal (PAC) qui est un impératif légal.

À mon arrivée, j’ai trouvé 22 équipements sportifs et culturels réalisés du temps de mon premier mandat qui étaient restés inactifs. Nous en avons donc activé une quinzaine et engagé une réflexion sur le reliquat pour trouver un mode de gouvernance qui permette aux habitants, et notamment aux jeunes, de s’épanouir.

En trois mois, nous avons aussi validé le Budget, et grâce à un effort de recouvrement de créances, il devrait être excédentaire à partir de l’année prochaine, alors qu’il était déficitaire lorsque j’ai récupéré la mairie.

Il y a également une vraie réflexion en cours sur des sujets qui me tenaient à cœur comme, par exemple, la possibilité de lancer un projet structurant de type incubateur de start-up.

De plus, nous travaillons activement sur la requalification du quartier Sidi Ghanem, le réaménagement de certaines communes balafrées en plein cœur de Marrakech, le bouclage du dossier du transport avec la région et les communes avoisinantes, et sur bien d’autres actions relatives à la culture, l’environnement…

     - Qu’avez-vous trouvé sur place à Marrakech, quel était l’état des lieux à votre arrivée ?

- En tant que maire, ce n'est pas mon rôle de porter un jugement sur mes prédécesseurs, mais il est évident que si les choses se déroulaient bien, je ne me serais pas représentée à la tête de la mairie de la ville.

En fait, selon moi, ce qui a beaucoup manqué, c'est tout bonnement une vision stratégique pour la ville, ainsi que quelques négligences qui ont coûté cher mais qui sont toutefois récupérables.

     - Où en est le programme de développement du comité de pilotage que vous avez créé ?

- Il suit son processus prévu par les textes de loi. Nous sommes dans la phase de diagnostic, et ce plan est censé répertorier les actions majeures à la fois stratégiques et de proximité pour les cinq années à venir.

Mais il doit encore être soumis à une approche participative déterminée par les textes, et nous sommes obligés de suivre cette procédure.

J'ai bon espoir qu’il sera achevé en avril prochain de telle sorte que l'on pourra faire les montages financiers qui s'imposent et ainsi déclencher les dynamiques nécessaires.

- Avez-vous pu recueillir des chiffres édifiants qui résument la situation de la ville à votre arrivée ?

- Aujourd’hui, je n'ai pas encore ce recul et, honnêtement, ce qui m'intéresse, c'est l'avenir.

     - Avez-vous lancé une étude sur la situation actuelle des artisans sinistrés dont personne ne parle ?

- C'est le président de la région et celui de la Chambre de commerce et d'industrie qui ont vocation à déclencher ce genre d'étude auprès de la ministre du Tourisme, qui est en charge de l'artisanat.

Mais en tant que gestionnaire de l'espace urbain, je suis en train de tout faire pour que la médina, où sont concentrés les artisans, puisse être à la fois accessible en termes de mobilité mais aussi de qualité, pour recevoir une clientèle qui reviendra, même s'il est difficile de se projeter dans la situation de crise actuelle.

En effet, Marrakech est une marque qui finira par connaître la relance comme l’a prouvé la période estivale, où les frontières marocaines étaient ouvertes. Car les gens ont besoin de voyager, en particulier vers une destination stable, sécurisée, belle et, enfin, de proximité par rapport au marché européen.

Cette relance se fera, et il reste à espérer que cette page sera tournée, même s'il est vrai qu’il y a eu de grands dégâts dans le secteur du tourisme.

J’ai reçu l'ensemble des opérateurs à qui j’ai fait part de mon soutien, mais en tant que gestionnaire de l'espace urbain, je dois d’abord m'assurer que le produit Marrakech soit à la hauteur des attentes.

     - Hormis le fait d'améliorer le cadre de la ville, vous ne pouvez donc rien faire pour les artisans ?

- Malheureusement, nous ne sommes pas autorisés à leur distribuer des aides directes car nous sommes soumis à des règles de finances publiques contraignantes, mais avec les présidents de la région et de la Chambre d’artisanat, un programme de soutien sera déclenché sous peu.

Encore une fois, je n’ai pas de prérogatives dans ce sens ou d'opportunité me permettant de les aider directement, mais sur le plan social, nous sommes à l'écoute et réactifs dans certaines situations difficiles.

     - Concernant les opérateurs touristiques qui font vivre la ville, avez-vous prévu de les exonérer de certaines taxes communales (édilité…) ?

- Les communes et les collectivités territoriales n'ont pas vocation à exonérer de l’impôt leurs administrés, car c'est une décision qui est du ressort de l'État, et plus exactement du ministère de l'Intérieur.

Il y a cependant eu quelques exonérations et mesures d’allègement par rapport à certaines taxes relatives à l'occupation du domaine public.

En fait, les hôteliers perçoivent, pour le compte de la ville, des taxes de séjour qui sont passées de 70 millions de dirhams en période faste, à 10 MDH pour l’année écoulée, ce qui n’a pas manqué d’impacter négativement nos finances.

Au-delà, nous ne pouvons pas prendre la décision de les exonérer, mais il y a un lobbying actif au niveau du ministère de l'Intérieur pour alléger certaines taxes dans les zones sinistrées comme Marrakech.

     - Quelle est la part d'investissement du budget de la ville qui vient d'être adopté ? 

- Sachant que nos finances ont été impactées par la crise sanitaire, avec de nombreux impôts (taxes de séjour, débits de boissons, occupation du domaine public …) qui n'ont pas pu être prélevés à cause des trois mois de confinement et de la baisse des arrivées étrangères, nous espérons dégager un excédent prévisionnel pour lever des fonds et mettre en place des conventions avec la région et les départements ministériels.

     - Comment pensez-vous dégager un excédent avec la chute brutale des recettes touristiques ?

- S’il est difficile de faire des prévisions fiables, cela ne doit pas nous empêcher de nous concentrer sur les secteurs qui n'ont pas été impactés par la crise sanitaire et, par conséquent, nous allons donc nous assurer de recouvrir le maximum de recettes dues pour avoir un budget qui nous permette de travailler.

Cela dit, nous savons d'ores et déjà que la taxe de séjour ne sera pas à la hauteur, et qu'un certain nombre d'impôts seront en recul, mais nous ferons au mieux pour équilibrer les comptes.

     - Qu’en est-il de l’amélioration promise des transports publics, des espaces verts, musées, théâtres ?

- Il y a toute une réflexion autour de la circulation routière qui, comme dans toutes les villes du Maroc, devient un point noir dangereux qui peut menacer l'espace urbain et la qualité de vie des citoyens, mais aussi des touristes qui n'ont pas envie de se déplacer dans une ville qui souffre d'une mauvaise circulation.

De ce côté, nous avons donc redynamisé le plan de déplacement urbain sur certains axes noirs, mais aussi programmé, avec l'aide du ministère du Transport et de la région, un certain nombre de trémies ainsi que la création d’une rocade pour que la circulation puisse contourner la ville sans bouchons intérieurs.

De plus, le projet des bus à haut niveau de service (BHNS) a également été intégré dans les priorités de notre cahier des charges, mais en seulement trois mois de mandat, il est difficile d'avoir un rendu rapide.

Cela ne m’a pas empêché de traiter des dossiers urgents comme la réhabilitation des dispensaires dans la médina, le lancement du marché pour créer un grand espace vert Agdal Ba’Ahmed dans la vieille ville, en vue de lancer une dynamique vertueuse qui n’est que le début de mon action censée durer pendant six années.

     - Tout cela n’était pas prévu par vos prédécesseurs ?

- Non, car en réalité, ce sont des projets que j’avais fait valider lors de mon précédent mandat de maire, mais qui n’avaient pas avancé lors du mandat de mes successeurs-prédécesseurs.

     - Est ce que Madame Mansouri est l'amie des animaux ?

- Absolument, et j’en ai d’ailleurs plusieurs à la maison.

     - Dans ce cas pourquoi votre mairie les euthanasie cruellement au lieu de les stériliser et de les vacciner ?

- Manifestement, vous n’êtes pas au courant de l'expérience pilote que je suis en train de lancer à Marrakech, avec une convention en cours de signature avec le ministère de l'Intérieur et le président de la région.

En fait, la problématique des chiens errants est extrêmement complexe, car il faut savoir que, par le passé, c'était le ministère de l'Agriculture qui était en charge, durant de nombreuses années, de ce dossier.

Sachant que cette mission revient désormais aux communes, et que la décharge intra-muros où les chiens errants avaient l’habitude de se rendre a été déplacée, lors de mon premier mandat, à trente kilomètres de la ville, ils se ruent aujourd’hui dans nos rues et les communes avoisinantes qui n’ont pas les moyens de les gérer.

Cette situation ayant été à l’origine d’un décès et de plusieurs blessés, dont mon premier vice-président mordu par un chien errant, cela devient un problème de salubrité publique qu’il convient de solutionner.

Dans le cadre de la convention qui sera adoptée au prochain conseil communal, en accord avec une convention internationale dont le Maroc est signataire, il a été décidé de mettre en place un chenil avec un processus de stérilisation, pour accueillir dignement ces pauvres chiens dont je suis l’amie au lieu de les abattre cruellement.

- Avec votre large majorité, vous n’avez aucune difficulté à faire passer vos propositions...

- Tout à fait, car j'ai fait le choix de mettre en place un conseil avec la plus large majorité, en partant du principe que nous avons besoin de tout le monde pour faire avancer la ville.

Que ce soient les présidents d'arrondissement ou de commission, tout le monde adhère à ma politique dans le cadre d'un débat ouvert à chaque session du conseil, même s'il y a des divergences de point de vue que j’encourage sachant que c'est le propre de la démocratie.

     - Qu’est ce qui a changé au niveau de la gouvernance par rapport à vos prédécesseurs ?

- Notre équipe est animée d'une grande volonté de travail et bénéficie également, à ce jour, d’une grande stabilité politique, avec une collaboration active et exemplaire avec les autorités locales et régionales.

Au risque de me répéter, je pense que le véritable changement vient de notre vision pour l’avenir.

     - Comment se passent vos rapports avec l’opposition municipale ?

- À ce jour, je n'ai pas de véritable opposition ; elle est d'ailleurs constructive, car elle a adopté avec nous l'ensemble des délibérations. À partir de là, je ne peux pas dire que notre cohabitation se passe mal.

     - Et avec les quelques élus du PJD qui ont présidé le conseil de la ville ?

- Je n'ai eu aucun problème à les intégrer, d'autant plus qu'il y en a un qui est présent dans mon bureau.

Le PJD est un parti légitime qui a perdu sa majorité, mais qui fait aujourd’hui partie de ma majorité.

Il faut une convergence des politiques publiques pour que la ville ne soit plus dépendante d’un seul secteur

     - Quels sont vos objectifs d’ici la fin de votre mandat en 2027 ?

- Aujourd'hui, je considère qu'il faut une convergence des politiques publiques pour que la ville ne soit plus dépendante d’un seul secteur, tout en renforçant le tourisme sur lequel le Maroc ne cesse d’investir depuis plus de vingt années.

Il faut aussi penser à la jeunesse qualifiée et polyglotte de Marrakech qui a besoin d’ouvrir son économie à d’autres secteurs porteurs dans le cadre d’incubateurs de start-up, d’un futur parc d’expositions, de nouvelles zones industrielles à proximité de la ville…

Tout cela pour inscrire Marrakech dans une dynamique moderne et en faire une ville de son temps.

     - Est-ce qu’un seul mandat sera suffisant pour y arriver ?

- N’étant absolument pas dans une démarche électoraliste qui, selon moi, dessert le plus grand nombre, il arrivera un jour où les habitants de la ville, mon parti et moi-même verrons s'il y a un intérêt à me représenter ou pas.

Mais d’ici là, c’est une décision que je refuse de prendre, car elle fausserait tout mon élan pour améliorer la qualité de vie des Marrakchis.

 

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