Hôtellerie : un plan d’urgence assorti… de coupures d’eau, d’électricité et de téléphone

Après le lancement de cinq mesures d’aide aux opérateurs, de petits hôtels ont subi des coupures d’eau, d’électricité et même de téléphone, les forçant à fermer. Une situation ubuesque dénoncée par plusieurs représentants des hôteliers qui remettent en question les promesses de l’État.

Hôtellerie : un plan d’urgence assorti… de coupures d’eau, d’électricité et de téléphone

Le 24 janvier 2022 à 18h07

Modifié 3 février 2022 à 15h24

Après le lancement de cinq mesures d’aide aux opérateurs, de petits hôtels ont subi des coupures d’eau, d’électricité et même de téléphone, les forçant à fermer. Une situation ubuesque dénoncée par plusieurs représentants des hôteliers qui remettent en question les promesses de l’État.

Plusieurs petits hôteliers des régions touristiques ont subi des coupures d’eau, d’électricité, voire de téléphone, car ils n'étaient pas en mesure de régler leurs factures. Ils ont été forcés de fermer leur établissement d’hébergement, étant dans l'incapacité d’accueillir leurs rares clients nationaux. Un soutien public à géométrie variable.

Un nombre croissant de petits hôteliers obligés de fermer

Peu étonné, Lahcen Zelmat, président de la Fédération des hôteliers du Maroc, ne comprend pas comment la RADEEMA (Régie autonome de distribution d’électricité et d’eau de Marrakech) a pu ignorer le plan de soutien gouvernemental en procédant à des coupures, auprès de ceux qui n’ont pas payé leurs factures.

« Nous n’avons pas encore la liste exacte des établissements touchés par ces coupures, mais il est vrai que sans intervention du gouverneur local pour surseoir au règlement des factures d’électricité et d’eau, ce phénomène est en train de s’étendre progressivement à toutes les régions touristiques du Maroc », déclare-t-il à Médias24.

« Malheureusement, ce sont les petits hôtels de moins de 3 étoiles qui pâtissent le plus de ces coupures d’eau et d’électricité, car les grandes chaînes internationales ne peuvent pas se permettre de ne pas payer, d’autant que ce sont de petites sommes, à savoir quelques milliers de dirhams par mois », ajoute Lahcen Zelmat.

« Sachant qu’il est impossible de garder ouvert un hôtel sans des basiques comme l’électricité, l’eau et le téléphone dans une conjoncture aussi sinistrée qu’aujourd’hui, les fermetures d’hôtels vont se multiplier », avance encore Lahcen Zelmat, qui n’entrevoit pas une reprise rapide de l’activité avec un outil de travail incomplet.

Seule voie de recours, les walis et gouverneurs

Si certains fournisseurs de services publics accordent des facilités de paiement, d’autres, sans compassion, passent directement aux coupures brutales, synonymes d’arrêts de travail et donc de fermetures d’hôtels.

"Entre la ministre du Tourisme, Fatim-Zahra Ammor, qui lance un plan d’urgence pour soulager le secteur, et des acteurs semi-publics qui font le contraire en exigeant le règlement de leurs factures, il n’y a plus aucune logique, d’autant que même les opérateurs de télécommunications, essentiels à l’hôtellerie, se mettent à leur couper leurs lignes de téléphone et d’internet", dénonce le directeur général de l’hôtel de luxe Palm Plaza.

Interrogé sur les voies de recours des petits hôteliers obligés de fermer, le président de la profession hôtelière déclare que les gouverneurs et les walis de région sont les seules autorités capables d’imposer aux sociétés délégataires d'accorder des facilités ou des reports de paiement des factures non réglées.

"Président de la RADEEMA, le wali de Marrakech a ainsi toute latitude pour aider ces hôteliers à trouver un terrain d’entente avec leurs débiteurs. Idem dans les autres villes du Maroc, où les gouverneurs ou walis président les sociétés délégataires d’eau et d’électricité", affirme Lahcen Zelmat.

Tout aussi remonté contre les sociétés délégataires, Mohamed Saouti, président l’Association de l’industrie hôtelière de Casablanca, tient à citer l’exemple d’un hôtel 3 étoiles de la capitale économique à qui la Lydec a coupé, sans prévenir, la fourniture d’électricité et d’eau pour une petite facture impayée.

« Hormis les coupures sans avis, il y a un manque de communication totale avec cette société qui ne daigne même pas répondre à nos courriers pour trouver d’éventuelles solutions, ou même refuser », fustige Mohamed Saouti.

Réactions des délégataires de services d’électricité et d’eau

Contacté par Médias24 pour recueillir sa réaction aux allégations des hôteliers de Casablanca, le service de presse de la Lydec a promis d’apporter des explications qui n’étaient pas encore prêtes lors de la mise en ligne de cet article.

Interrogé à son tour, un cadre de la RADEEMA nous a confirmé, sous couvert d’anonymat, que les compteurs d’électricité et d’eau étaient retirés aux clients qui avaient accumulé des retards de paiement.

De son côté, une source autorisée de l’Office national de l’électricité et de l’eau (ONEE), qui fournit principalement des clients situés hors des périmètres urbains, nous a révélé "que seule une résidence touristique, relevant de l’agence mixte d’El Jadida, a fait l’objet de coupures après l’accumulation d’impayés depuis 2019. Ce cas est en cours de traitement (rétablissement de la fourniture d’eau, et établissement d’un plan d’apurement sous forme de facilités de paiement) et des instructions ont été données pour traiter avec les hôtels et leur accorder des facilités de paiement".

Le 2 février 2022, donc une semaine après la publication de notre article, une source autorisée de la Radeema nous a adressé une mise au point qui dément formellement toute coupure d'eau ou d'électricité pour défaut de paiement dans les hôtels.

Une confiance rompue

Un contexte qui pousse le président de la Fédération des hôteliers du Maroc, Lahcen Zelmat, à remettre en question les récentes annonces d’aides publiques au secteur, notamment le récent plan d’urgence de 2 MMDH (2 milliards de DH). La confiance est clairement rompue.

"Le gouvernement nous a habitués à ne pas concrétiser ses promesses de soutien. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à se rappeler le fameux contrat-programme signé en août 2020 par cinq ministres, et dont les 21 mesures n’ont jamais été exécutées en dehors de celle sur le versement de l’allocation CNSS", rappelle-t-il.

"Cela s’explique simplement par le fait que l’application réelle de chaque mesure de soutien dépend de conditions prohibitives et, in fine, impossibles à mettre en œuvre, comme par exemple devoir garder 80% de son personnel ou avoir réalisé moins de 50% du chiffre d’affaires de 2019", détaille-t-il.

Il faut également préciser que le récent plan d’urgence ministériel a été annoncé sous la forme d’un simple communiqué de presse qui, en l’absence de décrets d’application, n’aura pas force de loi.

« À l’image du contrat-programme, les conditions d’octroi des cinq mesures vont certainement limiter le nombre de candidats à 10% de ceux qui en ont réellement besoin. C’est le cas par exemple de l’exonération de la taxe professionnelle, qui ne concernera en réalité qu’une minorité de bénéficiaires, quand on sait que la grande majorité des grandes chaînes hôtelières ont déjà payé cet impôt », poursuit notre interlocuteur.

« De plus, si l’ouverture des frontières a lieu le 1er février prochain, il n’est pas exclu que l’on nous dise que la reprise est désormais présente et qu’il convient donc de payer tous les impôts et taxes en suspens », conclut Lahcen Zelmat, pour qui ce plan d’urgence n’est qu’un 'pansement' qui ne changera rien à leur situation.

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