Le récit technique des opérations de sauvetage du petit Rayan

C’est un récit que nous aurions aimé ne pas écrire. Mais il est nécessaire, pour l’histoire et pour l’information. Médias24 a couvert avec retenue le sauvetage du petit Rayan, malgré l’émotion qui étreignait toute la rédaction. Nous allons poursuivre dans cette voie.

La protection civile dans les derniers metres des operations de sauvetage. Photo MAP

Le récit technique des opérations de sauvetage du petit Rayan

Le 7 février 2022 à 11h45

Modifié 7 février 2022 à 18h54

C’est un récit que nous aurions aimé ne pas écrire. Mais il est nécessaire, pour l’histoire et pour l’information. Médias24 a couvert avec retenue le sauvetage du petit Rayan, malgré l’émotion qui étreignait toute la rédaction. Nous allons poursuivre dans cette voie.

Quels ont été les choix techniques ? Les contraintes ? Comment les opérations ont-elles évolué dans le temps ? Reconstitution sommaire et premières réponses.

Dans la nuit du mercredi 2 au jeudi 3 février, vers trois heures du matin, Mourad Ljazouli arrive sur les lieux de l’incident tragique qui allait finalement coûter la vie au petit Rayan. Il était parti de Tétouan quelques heures plus tôt.

Mourad Ljazouli, 35 ans, est ingénieur en bâtiment et travaux publics. À l’issue de sa formation en France, il avait créé en 2016, à Tétouan, un bureau d’études techniques spécialisé notamment en terrassements et contrôles. Aujourd’hui, ce cabinet emploie une équipe de 35 ingénieurs et techniciens. C’est Médias24 qui a sollicité M. Ljazouli pour ce récit.

Rayan est tombé dans le puits mardi 1er février entre 14h et 15h. Mercredi matin, les autorités locales contactent plusieurs cabinets techniques de la place pour les faire venir sur les lieux aussi vite que possible, notamment des techniciens topographes dans l’objectif d’effectuer des relevés.

BTP Consulting, la société de Mourad Ljazouli, travaille sur dix projets dans la région. Son équipe la plus proche des lieux de l’accident se trouve à Ouezzane. Elle arrive très vite sur les lieux où elle trouve déjà sur place une autre équipe, d’une autre société, arrivée de Jebha. Une troisième arrivera par la suite.

Sauvetage de Rayan : plus de 28 mètres creusés et les préparatifs sont en cours pour le forage horizontal

Sur place, la consigne est claire : sortir Rayan le plus vite possible. Les relevés topographiques sont réalisés et des scénarios sont envisagés, nous raconte Mourad Ljazouli. Parmi eux, le recours aux volontaires pour extraire l'enfant directement du puits ou bien réaliser des terrassements pour aller en profondeur puis, avec la technique du fonçage, pénétrer à l’intérieur du puits où se trouve le petit. Six gros engins de terrassement sont appelés sur les lieux et commencent le travail. L’option des volontaires est essayée avant d'être abandonnée. Une caméra est descendue dans le puits, permettant d’observer le petit 24h/24.

Mourad Ljazouli décide de s’impliquer de lui-même. Il a senti qu’il pouvait être utile, et les terrassements, c’est sa spécialité. Il part donc de Tétouan dans la nuit et arrive en plein travaux. C’est lui qui pilotera les travaux de terrassement, fixera les directions de creusement, les profondeurs, contrôlera les risques de glissement. Un autre cabinet a effectué les travaux de fonçage relatifs à la dernière partie des opérations de sauvetage.

Les relevés topographiques, ainsi que l’étude des lieux et de la nature du terrain, montrent d’emblée que la mission va être très difficile. Dans cette nuit du mercredi 2 au jeudi 3 février, on atteint à peine 12 à 13 mètres de profondeur. Mais dans un terrain pareil, glissant et mobile, il ne suffit pas de creuser ; il faut aussi faire attention et prévenir les glissements. Ce qui avait été creusé présentait des talus verticaux, "un sérieux problème que nous avons corrigé, c’était trop dangereux". Les pentes des talus sont donc adoucies, après des calculs du risque. Et cela fait perdre du temps.

Une ancienne photo de Mourad Ljazouli dans ses bureaux.

Ce choix des terrassements était-il techniquement le meilleur ? Oui, selon Mourad Ljazouli. Il présentait certes un risque pour la sécurité des équipes qui travaillaient, mais correspondait au meilleur scénario pour atteindre le plus rapidement possible le petit Rayan. Le choix qui a été fait est le plus opérationnel, le plus rapide, le plus simple. Un scénario sophistiqué était possible, utilisant des engins de 100 tonnes avec creusement directement d’un puits parallèle, mais aurait fait perdre plus de temps.

Des appareils mis en place permettaient de prévoir des glissements de terrain. Chaque glissement provoquait du retard dans les opérations. "Il nous est arrivé d’annoncer aux autorités que nous étions à 25 mètres de profondeur, tandis qu’une heure après nous étions revenus à 20 mètres seulement, à causse d’un glissement de terrain qui avait comblé 5 mètres déjà creusés", indique Mourad Ljazouli.

Au final, ce n’est que samedi 5 février que les travaux atteignent 31 mètres de profondeur. Pourquoi 31 mètres ?

"Le puits dans lequel se trouvait le petit est profond de 60 mètres. Rayan est resté coincé à 32 mètres dans un renfoncement avec un diamètre de 60 cm et, au-dessous, un vide de 28 mètres. Nos relevés ont déterminé avec exactitude l’endroit où il se trouvait. Nous avions trois options :

- entrer dans le puits à moins 33 mètres. Et dans ce cas, nous risquions de provoquer un éboulement intérieur et de le faire tomber jusqu’à 60 mètres ;

- entrer à moins 32 mètres, avec le risque de le pousser également vers le bas ;

- entrer à moins 31 mètres, donc au-dessus de lui", raconte Mourad Ljazouli.

Le puits lui-même commençait par 45 cm de diamètre, puis se rétrécissait à 35 cm, et enfin 20 à 25 cm.

L’option choisie fut donc un terrassement en masse vertical jusqu’à moins 31 mètres, soit à un mètre au-dessus du petit. Jusqu’au dernier centimètre, des mesures de sécurité ont été effectuées pour éviter autant que possible les glissements de terrain. D’autres mesures ont été prises pour s’assurer que les équipes avançaient bien dans la bonne direction. Les mesures indiquaient qu’elles allaient aboutir 116 cm au-dessus du petit.

Arrivées à moins 31 mètres, les équipes entament un fonçage d’une longueur de 6 mètres. Le fonçage a connu trois étapes :

- 5,20 m avec des machines qui provoquent de petites vibrations. Un échafaudage avec une citerne métallique a été installé pour protéger les équipes.

- 50 cm avec un matériel provoquant un minimum de vibrations. C’est à partir de là qu’a commencé la mission de la Protection civile uniquement.

- les 30 derniers centimètres sont creusés manuellement, avec du petit outillage.

Une heure a été nécessaire pour effectuer les 30 derniers centimètres. Une durée interminable. Dehors, on entendait monter les cris Allah Akbar, La Ilaha illa Allah... Les équipes étaient tendues, tétanisées, tout le monde savait que la caméra qui surveillait le petit n’avait pas décelé de signes de vie depuis un moment, et tout le monde espérait qu’il soit inconscient, peut-être dans le coma, mais toujours en vie. Les équipes de secours ont été "très courageuses, jusqu’au dernier moment. Le risque d’effondrement était présent ; elles ont risqué leur vie sans aucune hésitation, c’était admirable", se souvient Mourad Ljazouli.

Alors que la nuit tombe sur les lieux, la Protection civile a donc ouvert la brèche exactement à l’endroit convenu. La première chose qu’elle a faite a été de gonfler un ballon à l’intérieur du puits au-dessus de l’endroit pour protéger le petit d’un éventuel éboulement. Ensuite, les membres de la Protection civile ont immédiatement fixé Rayan pour éviter qu’il ne tombe dans le vide. Puis elles ont poursuivi leur travail, l’ont extrait et confié à l’équipe médicale.

Le reste est connu, le drame, l’émotion, la profonde tristesse...

انا لله و انا إليه راجعون. رحم الله ريان.

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