Au Maroc, l’aviation d’affaires n’a pas totalement effacé les pertes subies en 2020

Bien qu’elles aient opéré des vols de rapatriement durant la fermeture des frontières, les compagnies d’aviation d’affaires n’ont pas pu compenser toutes les pertes subies en 2020, lorsque le secteur était à l’arrêt total en raison du confinement.

Au Maroc, l’aviation d’affaires n’a pas totalement effacé les pertes subies en 2020

Le 15 février 2022 à 10h01

Modifié 15 février 2022 à 18h35

Bien qu’elles aient opéré des vols de rapatriement durant la fermeture des frontières, les compagnies d’aviation d’affaires n’ont pas pu compenser toutes les pertes subies en 2020, lorsque le secteur était à l’arrêt total en raison du confinement.

Selon nos informations, le secteur de l’aviation d’affaires au Maroc compte quatre sociétés agréées : Air Océan, Alfa Air, Sarah Airways et MTFly. Médias24 a contacté trois d’entre elles, qui nous ont assuré que le secteur avait été touché de plein fouet par la crise du Covid-19, mais qu’il commençait à retrouver des couleurs pour certaines.

En 2021, grâce aux vols de rapatriement soumis aux autorisations spéciales délivrées par le ministère des Affaires étrangères, certaines sociétés ont pu combler une partie des pertes enregistrées durant l’année 2020, marquée par la fermeture des frontières aériennes.

Pour d’autres en revanche, la situation ne cesse d’empirer.

2020, une année catastrophique pour le secteur

Pour 2020, le constat est unanime : l’année a été catastrophique pour le secteur, qui s’est retrouvé à l’arrêt total durant plusieurs mois. Les frontières aériennes ont été fermées après l’apparition des premiers cas de Covid-19, portant un coût dur aux quatre sociétés marocaines.

"Au début de la crise sanitaire en 2020, l’aviation d’affaires a beaucoup souffert de la fermeture des frontières", rappelle Mohamed El Messaoudi, directeur général de Air Ocean.

"Cette année-là a été catastrophique pour les compagnies aériennes qui opèrent dans le secteur, du fait qu’elles ne parvenaient pas à obtenir facilement les autorisations de vol."

Même son de cloche auprès du président de l’une des trois autres compagnies, joint par Médias24. "Nous avons vécu plusieurs étapes depuis le début de la crise Covid. Pendant la première, au début du confinement, les opérateurs marocains étaient cloués au sol, et n’arrivaient pas à obtenir d’autorisation de vol alors que l’activité se poursuivait pour les opérateurs étrangers."

Depuis, la situation de certaines sociétés a empiré...

"Ensuite, nous avons commencé à obtenir des autorisations au compte-goutte, parfois en une journée, parfois en six jours, que ce soit pour les vols d’urgence pour rejoindre le Maroc ou pour évacuer des malades dans un avion sanitaire ; ce qui fait que tout l’intérêt du caractère d’urgence se perdait", ajoute le même interlocuteur.

"Deux ans après le début de la crise Covid, la situation a empiré", nous confie-t-il. En cause, selon lui, des "problèmes structurels au niveau de l’administration marocaine". Notons que contrairement à certaines sociétés, celle-ci n’a pas pu opérer certains vols réservés par des groupes de Marocains bloqués à l’étranger pour rentrer au pays.

"Pour des raisons diplomatiques, nous devions obtenir les autorisations auprès du ministère des Affaires étrangères, ce qui est normal et compréhensible. Ce qui ne l’est pas en revanche, c’est le traitement de ces autorisations qui prenait énormément de temps. On souffrait donc de cette attente, ce qui nous a conduits à annuler plusieurs vols programmés."

"Sur le volet administratif, les problèmes des sociétés de ce secteur sont mal gérés. Le fonctionnement se poursuit, certes, mais au ralenti, sans trouver des solutions spécifiques à une situation anormale universelle, à un cas de force majeure."

"D’autres pays ont été très réactifs par rapport au Maroc. A l’étranger, la crise du Covid-19 a été l’occasion de faire évoluer le secteur de l’aviation d’affaires. L’activité a augmenté de 30% aux États-Unis, et de 20% en Europe. Les prix ont également flambé, parce qu’une nouvelle demande a émergé, et qu’une nouvelle clientèle a découvert le secteur."

"Au moment où le secteur connaît une embellie à l’étranger, le Maroc reste en dehors de cette dynamique", regrette-t-il.

"Je considère que l’aviation d’affaires a toujours été le parent pauvre de l’aviation civile au Maroc. Il y a très peu d’opérateurs, et leurs problèmes n’intéressent pas grand-monde, parce qu’ils ne constituent ni une force économique, ni sociale, ni politique", estime-t-il.

… mais s’est relativement améliorée pour d’autres

Mohamed El Messaoudi, plus optimiste, nous confie pour sa part que l’activité s’est relativement améliorée en 2021, année durant laquelle "l’obtention des autorisations pour les vols sanitaires et les vols de rapatriement a été assouplie".

"Le secteur a donc pu récupérer une partie de ce qu’il avait perdu en 2020. On peut dire que l’activité s’est un peu améliorée en 2021. Nous avons pu revenir à un niveau d’activité correct, et réaliser un chiffre d’affaires correct également."

"Au cours de l’année passée, peu de compagnies aériennes ont desservi le Maroc. Une certaine catégorie de personnes, obligée de se déplacer, prenait donc les vols d’affaires en jets privés", nous explique le directeur général d’Air Ocean. Il précise que sa société n’a pas non plus opéré les vols réservés par des groupes de Marocains bloqués à l’étranger pour rentrer au pays, durant la fermeture des frontières. "Notre société n’a pas effectué ce type de vols. D’autres l’ont fait, mais pas nous."

Une troisième société du secteur, contactée par Médias24, confirme que l’activité a certes baissé par rapport à une année normale, mais s’est légèrement amélioré en 2021 grâce aux vols de rapatriement.

"Au début de la pandémie, nous réalisions uniquement des vols pour les évacuations sanitaires, dits 'ambulance Fly'. Malgré l’urgence de ces vols, nous avions besoin d’autorisations spéciales auprès du ministère des Affaires étrangères, avec toutes les justifications nécessaires qui faisaient l’objet d’une étude minutieuse, notamment le dossier médical du patient et le rendez-vous dans la ville de destination."

"Nous avons ensuite lancé les vols de rapatriement des Marocains bloqués à l’étranger, soumis également à l’autorisation du ministère des Affaires étrangères. Là encore, les conditions étaient très strictes. Les passagers devaient être de nationalité marocaine, et non des touristes par exemple." La reprise des vols de rapatriement a permis à cette société de combler une partie de ses pertes en 2020.

Notons que contrairement aux deux autres sociétés, celle-ci a bénéficié du business de location de jets privés par des groupes de Marocains pour rentrer chez eux, vers la fin de la période de fermeture des frontières.

Une perte estimée à 20 MDH pour Alfa Air

La baisse de l’activité dans le secteur dépend toutefois des sociétés. Pour Alfa Air, elle est estimée par ses responsables entre 50% et 60%. "Entre 2020 et 2021, nous avons perdu 20 millions de dirhams (MDH), soit 10 MDH par an", nous confie une source de la société.

"Il ne faut pas oublier que nous sommes restés sans activité pendant plusieurs mois. Au début de la crise, nous n’avions le droit de transporter que de la marchandise. C’est bien après que nous avons commencé à obtenir quelques autorisations de vol. Et même si nous demeurions sans activité, nous avions beaucoup de charges à payer : pilotes, leasing d’avions, hangar, techniciens, assurances... Pour moi, si des compagnies d’aviation d’affaires ont résisté à la crise du Covid, cela relève du miracle."

Par ailleurs, l’une des trois compagnies sondées, dont l’activité est repartie à 50% pour les vols sanitaires et à 50% pour les voyages VIP (voyages d’affaires et touristiques), nous explique avoir "conservé 50% de vols sanitaires. Malgré la baisse du nombre de voyages touristiques, nous avons pu compenser les pertes réalisées en 2020 sur ce segment par les vols de rapatriement. Il y a donc eu une perte, que nous n’avons pas encore chiffrée, mais dont une partie a pu être comblée".

Manque de visibilité pour 2022

Pour l’année en cours, les opérateurs sont dans le flou. L’activité du secteur dépendra essentiellement de la reprise économique et des frontières.

"Nous n’avons aucune visibilité pour 2022. Même si les frontières sont ouvertes, les clients ne se bousculent pas à la porte", déplore l’un de nos interlocuteurs.

Et d’ajouter : "Dans ce secteur, la crise est structurelle. Si l’administration marocaine ne revoit pas ses procédures, l’aviation d’affaires continuera à dégringoler."

"L’année 2022 a déjà commencé par la fermeture des frontières", ce qui n’est pas de bon augure, estime une autre source. "Pour ce qui est de l’avenir, nous n’avons aucune visibilité ; tout dépendra des décisions du gouvernement par rapport aux frontières", conclut-elle.

Notons que l’aviation d’affaires constitue la branche du transport aérien consacrée au transport de passagers à la demande, organisé par des entreprises ou des particuliers qui utilisent les avions comme outil de travail (activité aérienne non commerciale) ou par des sociétés dites de "taxi aérien" (activité aérienne commerciale).

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