La conjoncture économique met le gouvernement en difficulté auprès de l’opinion

L’opinion publique ne laisse pas de répit à l’exécutif qui fait face à une contestation grandissante. En cause, son absence politique et son silence assourdissant au moment où le pays fait face à une triple crise, celle du Covid, la hausse des prix des produits de première nécessité et la pire sécheresse depuis au moins trente ans.

(Archives Médias24)

La conjoncture économique met le gouvernement en difficulté auprès de l’opinion

Le 16 février 2022 à 15h02

Modifié 16 février 2022 à 16h31

L’opinion publique ne laisse pas de répit à l’exécutif qui fait face à une contestation grandissante. En cause, son absence politique et son silence assourdissant au moment où le pays fait face à une triple crise, celle du Covid, la hausse des prix des produits de première nécessité et la pire sécheresse depuis au moins trente ans.

Cinq mois à peine après son installation, le gouvernement fait face à une grogne qui grandit de jour en jour. Preuve par le hashtag « Akhhanouch Ir7al » ('Akhannouch dégage'), devenu viral un temps. Ses détracteurs mêlent le vrai et le faux, commettent des erreurs factuelles, surfent sur une vague contestataire… comme dans toute campagne virtuelle portée par les internautes.

L’exécutif fait indéniablement face à une conjoncture difficile. Après deux années d'une pandémie, qui n’est pas encore terminée, il doit affronter simultanément deux crises majeures, l’inflation galopante et la sécheresse. Des chocs exogènes sur lesquels il n’a pas la main. De plus, ces derniers interviennent dans un contexte où les contraintes budgétaires sont énormes, au vu des méga-plans de réforme initiés, comme la généralisation de la protection sociale, la politique des grands et petits chantiers, la relance post-Covid, les réformes de l’éducation et de la santé…

Le manque de communication, grand péché de l’exécutif

Mais là où le gouvernement pèche, c’est par son manque d’interaction, de communication, et par le vide politique laissé sur la place publique. Un vide désormais rempli par les réseaux sociaux qui font feu de tout bois, face à une opposition institutionnelle affaiblie numériquement et démunie de tout moyen d’action.

La communication du gouvernement laisse pour le moins à désirer. Silencieux sur les sujets qui préoccupent la population, la sécheresse et la hausse des prix à leur tête, l’exécutif et son chef sont prolixes quand il s’agit de promouvoir la troisième dose de vaccination. Un sujet certes important, mais qui démontre à l’opinion publique que son gouvernement est loin des préoccupations des citoyens, des difficultés de leur quotidien, de leurs inquiétudes sur l’avenir proche, sur leur pouvoir d’achat, leur niveau et qualité de vie.

Pire, quand les sujets de l’inflation et de la sécheresse sont évoqués par les membres du gouvernement, c'est l’impression d'un déni total de la réalité qui prédomine.

La hausse des prix, le gouvernement la minimise et avance le chiffre d’une inflation maîtrisée de 1,4%. Un chiffre réel, certes, mais qui a doublé en un an. De plus, il ne tient pas compte des intrants utilisés par les opérateurs économiques, qui ont un impact direct sur les prix de production, et par ricochet sur les prix des biens et services.

L’exemple le plus parlant est celui des hydrocarbures. Avec le litre de gasoil qui franchit la barre de 10 dirhams et le litre d’essence qui se vend à plus de 12 dirhams, difficile de convaincre un citoyen lambda ou même un transporteur que l’inflation est maîtrisée.

Les transporteurs sont d’ailleurs entrés dans une sorte de bras de fer avec les autorités en déclarant subitement une hausse de 20% du prix de leurs prestations, avant de faire machine arrière vingt-quatre heures plus tard sous la pression du Conseil de la concurrence et du gouvernement. Ce bras de fer accroît la pression sur le gouvernement, car une hausse des tarifs de transport signifie une hausse des prix en cascade, sachant que les transporteurs auraient une importante capacité de nuisance s'ils décidaient par ailleurs de faire grève.

Idem pour l’orge, utilisé par le petit fellah comme aliment pour son bétail et dont les prix flambent. Ou encore l’huile, dont les prix ont atteint pour une marque comme Lesieur 85,90 dirhams pour la bouteille de 5 litres, contre 81,95 dirhams en novembre dernier et 73 dirhams en mai 2021, soit une hausse de 13 dirhams en neuf mois. Et une nouvelle augmentation des prix est imminente selon les professionnels du secteur, en raison de la flambée continue de la matière première sur les marchés internationaux.

Ce phénomène de l’inflation, minimisé par le gouvernement, inquiète même la communauté des affaires comme nous l’avait confié Mehdi Tazi dans une interview récente. Le vice-président du patronat l’identifie d’ailleurs comme l’un des plus gros facteurs de risque pour les entreprises en cette année 2022, citant l’exemple de certaines matières essentielles dans la production qui ont connu une forte flambée, comme la graisse végétale utilisée dans l’industrie agroalimentaire (+400%), l’acier, le verre, l’aluminium qui entrent dans la chaîne de valeur du secteur de la construction, du bâtiment et des travaux publics, qui ont connu des hausses de 15% à 30%...

Face à ces hausses de prix avérées, quelle est la réponse du gouvernement ? Aucune pour l’instant, à part le chiffre de 1,4% auquel il s’accroche mordicus. Il prépare peut-être un plan pour amortir ce choc sur le pouvoir d’achat des ménages, mais comment le savoir si aucun responsable politique n’en parle ?

Une impression de déni de la réalité…

Le même mutisme plane sur le sujet de la sécheresse. Nul n'ignore que l’on vit la pire sécheresse depuis 1989. Un expert en prospective économique consulté par Médias24 estime que le pays risque de perdre jusqu'à 1,8 point de croissance si la pluie n’est pas au rendez-vous en mars, dernier espoir pour sauver partiellement la saison.

Le gouvernement prépare selon nos informations un plan anti-sécheresse. Le travail est donc en cours pour limiter les dégâts infligés au fellah, mais aucune communication sur ce plan, ou du moins sur sa préparation, n'a été faite à date d’aujourd’hui.

Et quand l’exécutif ne communique pas sur son plan anti-sécheresse, même s’il n’est pas encore prêt, il fait perdre tout espoir au petit éleveur qui risque de se précipiter et de brader son bétail, 'casser sa banque' comme on dit dans le jargon. La communication ici ne joue pas seulement un rôle politique, mais elle peut éviter aux éleveurs des pertes sèches, s'ils prennent connaissance à temps des grandes lignes de ce que l’exécutif prépare pour amortir le choc de la sécheresse et la hausse fulgurante du prix des aliments de bétail.

En plus de son mutisme, le gouvernement donne encore une fois l’impression d’être dans le déni. Il suffit d’analyser les éléments de langage du chef de gouvernement et de ses ministres pour s’en convaincre. Aucun d’entre eux n’utilise le terme 'sécheresse' pour l’instant, préférant parler plutôt de « retard des pluies ». Et là aussi, il ne s’agit pas d'un simple problème de communication, d’un choix esthétique d’éléments de langage, mais d’une décision politique qui a des conséquences directes sur la vie des citoyens.

Aziz Akhannouch a eu le mérite, quand il était ministre de l’Agriculture, d’instaurer une assurance agricole contre la sécheresse. Sur les 3,5 millions d’hectares qui sont endommagés actuellement, celle-ci couvre, selon les experts agricoles, 1 million d’hectares pour un montant d’au moins 2 milliards de dirhams. Une belle somme qui sera distribuée directement aux agriculteurs. Mais pour déclencher la machine d’indemnisation, il faut encore déclarer le sinistre et appeler les choses par leur nom. Tant que le gouvernement n’aura pas déclaré l’état de sécheresse, les assureurs ne feront rien…

Une autre preuve que le gouvernement dispose de leviers à même de désamorcer la grogne populaire s’il le souhaite ; mais par un choix visiblement assumé de ne pas communiquer, il laisse s’installer l’idée qu’il a déjà échoué, qu’il est incapable de gérer les problèmes du pays et de répondre aux attentes des citoyens. Un vide qui ouvre une autoroute aux voix contestataires - de bonne ou de mauvaise foi - et plombe 'l'ambiance'.

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