Entretien. Fatima-Zahra Mansouri : “En juillet, toutes les villes auront leurs documents d'urbanisme”

ENTRETIEN. Aménagement du territoire, urbanisme, politique de la ville, immobilier... Tour d'horizon avec Fatima-Zahra Mansouri sous sa nouvelle casquette de ministre. Dans cet entretien, elle détaille tous les chantiers lancés et les réformes en cours.

Fatima-Zahra Mansouri. Photo MAP

Entretien. Fatima-Zahra Mansouri : “En juillet, toutes les villes auront leurs documents d'urbanisme”

Le 3 mars 2022 à 20h20

Modifié 4 mars 2022 à 15h46

ENTRETIEN. Aménagement du territoire, urbanisme, politique de la ville, immobilier... Tour d'horizon avec Fatima-Zahra Mansouri sous sa nouvelle casquette de ministre. Dans cet entretien, elle détaille tous les chantiers lancés et les réformes en cours.

Médias24 : Six mois après votre nomination, êtes-vous sur les rails en tant que maire et ministre ?

Fatima-Zahra Mansouri : Non seulement sur les rails mais surtout confiante pour l’avenir, malgré une conjoncture internationale ponctuée d'aléas difficiles.

- Votre double casquette de maire et de ministre vous facilite-t-elle la tâche pour certains chantiers ?

- En fait, si j’avais occupé un autre département, ma tâche aurait été plus complexe ; mais étant en charge d’un ministère éminemment lié au territoire, il y a une certaine complémentarité entre l’approche locale et nationale, ce qui fait que de la mairie, j’apprends des choses pour le ministère, et vice-versa.

- Est-il vrai que vous avez effectué un large mouvement de chaises musicales au ministère ?

- Pas exactement, mais plutôt un redéploiement de compétences internes.

En effet afin de renforcer les territoires, j’ai redéployé des personnes qui étaient au niveau central, dans la logique d’une déconcentration nécessaire qui s’inscrit dans le cadre de la régionalisation initiée par Sa Majesté.

Au final, ce n’est pas un jeu de chaises musicales, mais simplement mettre les bonnes personnes au bon endroit.

- Qu’avez-vous trouvé en intégrant ce ministère qui n’a pas toujours eu bonne presse ?

- Ce qui importe n’est pas ce que j’ai trouvé, mais ce que je vais apporter pour servir au mieux mes concitoyens. .

J'ai donc effectué quelques changements au niveau de l’administration et, surtout, j’ai apporté une vision que je veux concertée avec le plus grand nombre pour être le plus efficace.

En fait, mon plus gros challenge a concerné le secteur de l’immobilier, car le fameux programme de logement social initié par Sa Majesté, en 2010, a pris fin en décembre 2020, et je suis arrivée fin 2021.

Ayant trouvé une page blanche à notre arrivée, nous faisons en sorte d'en écrire une nouvelle avec les différents professionnels, opérateurs et institutionnels.

- Sachant que votre ministère comporte des attributions monnayables (autorisations, dérogations…), qu’avez-vous prévu pour éviter à certains de succomber à la tentation de la corruption ?

- D’abord, il n’y a aucun secteur d’activité qui échappe à la corruption, et le seul moyen de limiter la tentation est d’instaurer une plus grande clarté dans les procédures, la maîtrise des délais et, enfin, la mise en place de mécanismes pour que tout le monde soit sur un pied d'égalité pour obtenir une autorisation ou investir.

Pour cela, nous avons déclenché plusieurs dynamiques avec différentes approches qui sont en train de se mettre en place, et qui devraient porter leurs fruits très rapidement.

J’ai émis une circulaire pour réexaminer tous les dossiers d’investissements qui avaient été rejetés en 2021 par les agences urbaines.

- En six mois, quel est le chantier de votre programme ministériel qui est d’ores et déjà abouti ?

- Aménagement du territoire, urbanisme, politique de la ville, et enfin habitat sont autant de dimensions sur lesquelles je suis obligée d’agir avec des projets, et surtout d’avoir des résultats concrets.

Dès novembre dernier, j’ai émis une circulaire pour réexaminer tous les dossiers d’investissements qui avaient été rejetés en 2021 par les 29 agences urbaines qui dépendent de notre tutelle.

Après réexamen minutieux, ceux dont le rejet avait un fondement administratif ou juridique ont été exclus, tandis que le reste des dossiers repêchés, grâce à l’adhésion des investisseurs, a dégagé un potentiel de 3.500 dossiers, correspondant à 27 MMDH d’investissements que l'on peut débloquer.

Depuis que l’on a déclenché ce réexamen, 13 MMDH sur les 27 ont pu être injectés dans l’économie nationale, ce qui a permis de créer rapidement énormément d’emplois directs et indirects.

Cette mesure importante, qui a porté ses fruits, montre la volonté de notre gouvernement de rebooster le niveau d’investissement, et celui des emplois qui était en souffrance jusque-là.

J’ai également émis une circulaire qui a permis de doter les grandes villes (Tanger, Marrakech, Agadir, Rabat…) d'une nouvelle génération de documents d’urbanisme, incluant la règle du fixe et du variable.

Il y a une intention de continuer à soutenir le marché de l’immobilier, avec une approche différente, en se concentrant sur un accompagnement de la demande.

- En termes plus néophytes, cela donne quoi  ?

- (Rires). Bien qu’il ait une vocation socio-économique, mon ministère est en effet éminemment technique.

Plus concrètement, à ce jour et depuis mon arrivée, nous avons réussi à faire homologuer un record de 30 plans d’aménagement à travers le Maroc, en seulement quatre mois.

A ce propos, je m’engage d’ailleurs à ce que, d’ici le mois de juillet prochain, toutes les villes du Royaume aient leurs documents d’urbanisme.

Pour éviter certaines rigidités, on a mis en place un système généralisé à tous les plans d’aménagement, qui donne aux investisseurs la possibilité d’utiliser la règle dite du fixe et du variable.

Ainsi, si vous êtes propriétaire d’un foncier et que vous souhaitez investir dans une usine, alors que le plan d’aménagement vous impose des règles fixes, on peut vous accorder des assouplissements (plus d’étages ou d’espace…) en contrepartie d’équipements particuliers ou de normes de construction durable.

C’est par conséquent une opération win-win, mais dans le cadre d’un cahier des charges précis, alors qu’avant, les dérogations accordées étaient ouvertes sans véritables limites. C’est une règle.

 - Quid de vos projets et réformes dans le pipe ?

- Partant du fait que l’urbanisme est l’affaire de tous, et que l’habitat est un droit, j’ai travaillé sur une vision qui est aujourd’hui prête, mais que je refuse d’opérationnaliser sans dialogue national et régional.

Il y a un certain nombre de réformes sur l’allégement des procédures, et une intention de continuer à soutenir le marché de l’immobilier qui contribue à la bonne santé de notre économie, mais avec une approche différente, en se concentrant sur un accompagnement de la demande.

D’autre part, il y a plusieurs projets dans le monde rural qui vont être mis en place. Et je travaille aussi sur les 180 communes les plus vulnérables du territoire national, qui dépassent un taux de pauvreté de 70% et qui nécessitent un gros effort public.

En effet, le besoin en habitat de la région Drâa-Tafilalet n’est pas le même que celui de Casablanca.

- Que proposez-vous de concret pour remédier aux carences constatées au niveau régional ?

- Au risque de me répéter, on ne peut plus se contenter de proposer uniquement des infrastructures de base car, aujourd’hui, la dignité du citoyen ne passe pas seulement par une route ou un éclairage public.

La vraie priorité est plutôt d’accompagner ces populations pour créer de la richesse locale à travers des activités génératrices de revenus (AGR).

Pour résumer, il s’agit d’accompagner un processus, ou un cercle vertueux, qui permette de développer l’infrastructure, l’habitat et la dimension culturelle et économique d’un territoire.

Ce gouvernement n’est pas responsable de la conjoncture, mais il a la capacité d’y faire face.

- Entre fin de parcours de la pandémie et crise mondiale naissante, où en êtes-vous ?

- Nous sommes parfaitement conscients de la chute des transactions durant la pandémie, et de la cherté post-Covid des matières premières qui nous attend, eu égard aux circonstances internationales.

Cela va obliger tous les pays, dont le Maroc, à instaurer des mesures de résilience pour supporter les futurs chocs.

- Depuis l’invasion de l’Ukraine, avez-vous des retours sur une explosion des matières premières nécessaires aux BTP ?

- En une semaine, nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour juger des conséquences de l’invasion de l’Ukraine, et donc pour vous répondre.

L’ensemble de notre secteur économique, et pas seulement celui de l’immobilier, a été impacté par la grande relance économique post-Covid, d’autant plus que nous sommes un petit marché.

Aujourd’hui, nous subissons plus que nous ne pouvons agir, mais notre gouvernement dans son ensemble traite ce sujet avec beaucoup de rigueur, et il a d’ailleurs mis en place des mécanismes appropriés.

- Cette guerre en Ukraine, qui ne va pas vous faciliter la tâche, est une nouvelle tuile pour votre gouvernement ?

- Entre la crise post-covid qui a tué l’épargne au Maroc, la sécheresse et aujourd’hui la guerre, aucun gouvernement n’a été confronté à autant de crises, mais il est rassurant d’avoir un gouvernement composé de politiques et de compétences pour pouvoir faire face à ces difficultés.

Ce gouvernement n’est pas responsable de la conjoncture, mais il a la capacité d’y faire face.

- Il est étonnant d’entendre une politique chanter les louanges des technocrates pour faire face à la crise ?

- Je ne sais pas quelle est la limite entre technocrate et politique, car tout en étant éminemment politique je suis également technocrate dans la mesure où j’ai plusieurs compétences dans mon domaine.

Idem pour la plupart de mes collègues autour de la table du gouvernement qui ont ces deux sensibilités, à savoir la maîtrise technique de leurs dossiers et également une vision politique pour la société, en défendant une manière de faire, de vivre, d’investir et de créer de l’emploi.

- Pour revenir au secteur immobilier qui est toujours dans un tunnel, que comptez-vous faire ?

- Concrètement, nous allons donc continuer à soutenir le secteur immobilier en encourageant la production, car il y a un vrai besoin que nous avons estimé à 2 millions d’unités en habitat particulier.

Sur ces 2 millions de logements, plus de 70% sont destinés à satisfaire les attentes des plus défavorisés, mais aussi de la classe moyenne qui n’a toujours pas de produit dédié.

Tout en travaillant sur la création de ce produit encore inexistant au Maroc, nous allons suivre les recommandations du Nouveau Modèle de développement en accompagnant la demande, et pas l’offre.

En d’autres termes, au lieu de défiscaliser de façon générale un produit donné d’une entreprise immobilière, nous allons accompagner financièrement l’acquéreur pour faciliter l’accès à l’immobilier.

D’autre part, mon département travaille pour développer des programmes immobiliers locatifs qui représentent 13% de la demande. Pour cela, il faut réformer l’arsenal juridique encore trop rigide.

Dans un souci d'une meilleure maîtrise, j’ai d’ailleurs déclenché des plans régionaux d’habitat pour estimer les besoins dans chaque territoire, et pouvoir adapter l’offre aux besoins existants ou à venir.

- Quel est le chantier le plus important que vous aimeriez mener à terme d’ici 2026 ?

- S’il y a un projet qui me tient vraiment à cœur, c’est celui qui consiste à résorber et à mettre fin à la problématique des bidonvilles, où près de 150.000 Marocains vivent dans des conditions insalubres ; notamment à Casablanca où est localisée aujourd’hui la plus grande partie des bidonvilles du pays.

- Plusieurs prédécesseurs s’y sont cassé les dents ; pensez-vous y arriver d'ici la fin de votre mandat ?

- C’est un travail de collaboration entre mon ministère et le département de l’Intérieur avec lequel nous travaillons en parfaite intelligence, mais pour répondre à votre question, c’est bien mon intention.

- Cinq années vous semblent-elles suffisantes pour démanteler tout l’écosystème des bidonvilles ?

- Si tous les acteurs concernés s’y mettent, avec une volonté politique, rien n’est impossible au Maroc…

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