Voici comment le FMI voit le développement de l’investissement privé au Maroc

Dans son dernier rapport sur le Maroc, le FMI s’est montré critique vis-à-vis des politiques publiques marocaines concernant le développement du secteur privé. Il pointe notamment du doigt la politique d’import substitution, l’augmentation des droits de douane sur certains produits importés, la préférence nationale dans les marchés publics, et appelle à une neutralité des entreprises publiques sur le marché.

Voici comment le FMI voit le développement de l’investissement privé au Maroc

Le 10 mars 2022 à 19h18

Modifié 10 mars 2022 à 19h45

Dans son dernier rapport sur le Maroc, le FMI s’est montré critique vis-à-vis des politiques publiques marocaines concernant le développement du secteur privé. Il pointe notamment du doigt la politique d’import substitution, l’augmentation des droits de douane sur certains produits importés, la préférence nationale dans les marchés publics, et appelle à une neutralité des entreprises publiques sur le marché.

Dans son Nouveau Modèle de développement, le Maroc fait de l’investissement privé un moteur de changement structurel de la donne économique. Il se fixe pour cela un objectif très ambitieux : augmenter la part de l’investissement privé aux deux tiers de l’investissement global dans le pays, contre près d’un tiers actuellement. Un objectif que vise également la nouvelle Charte de l’investissement, en cours de finalisation.

Dans son dernier rapport sur le Maroc au titre de l’article IV, publié le 9 février, le FMI s’aligne sur cette ambition marocaine et la salue de toute évidence, affirmant qu’une « composante essentielle du programme de réformes structurelles est le développement du secteur privé ».

Toutefois, l’organisation internationale ne semble pas approuver toutes les politiques menées, visant à atteindre cet objectif de développement du secteur privé.

Le tableau dressé par le FMI n’est ni noir ni blanc. Mais plutôt nuancé. Le staff du FMI développe, dans une partie, le même langage que les autorités marocaines, en préconisant de réduire les formalités administratives et le fardeau réglementaire, de renforcer l'indépendance des régulateurs, en réduisant les coûts commerciaux (par exemple, de la logistique et de l'énergie), en améliorant la qualité des ressources humaines et le capital physique (y compris l'augmentation de l'accès au haut débit à travers le Maroc) et la création d'un système d’incitations à allouer aux secteurs à forte valeur ajoutée et multiplicateurs d'emplois. Un discours qui fait l'unanimité au Maroc et que personne ne conteste.

Et d’ajouter dans la même veine qu’en développant le secteur privé, « les autorités devraient s'attaquer aux cas les plus évidents des politiques et des défaillances du marché, conditionnant leur intervention à une analyse coûts-avantages qui considère à la fois les rendements socio-économiques et l'impact budgétaire de leurs politiques ».

Cela vaut surtout, précise le staff du FMI, pour les propositions de créer de nouvelles zones économiques spéciales pour attirer les investisseurs internationaux et pour l'activité du Fonds d'investissement Mohammed VI, qui devrait commencer à catalyser l'investissement privé vers les secteurs clés de l'économie marocaine en apportant des fonds propres ou quasi-fonds propres aux entreprises locales de ces secteurs. Là aussi, rien à dire. Le FMI est totalement aligné sur la logique marocaine et sur les grandes lignes de la nouvelle Charte d’investissement qui a fait l’objet d’une séance de travail présidée par le Roi, le 16 février.

Import-substitution et préférence nationale : les politiques qui semblent gêner le FMI

Mais là où le staff du FMI se montre critique, c’est dans les politiques qui visent à faire du 'made in Morocco' un moteur du développement de l’investissement privé, comme la politique d’import-substitution adoptée par le pays en 2020, dès l’apparition de la pandémie du Covid-19. Une politique qui vise pour rappel à construire une nouvelle industrie marocaine en produisant localement des produits importés jusque-là.

Pour le FMI, le développement du secteur privé marocain ne passe pas forcément par ce type de mesures. Dans son rapport, le staff de l’institution mondiale préconise même de limiter ces mesures qui pourraient, selon les termes employés dans le rapport, « inhiber inutilement les importations, qui ne peuvent apporter qu'un soulagement à court terme à la production nationale tout en imposant des coûts de bien-être à long terme ».

Le rapport du FMI pointe de manière directe la stratégie d’import-substitution qui vise, comme il le souligne, à remplacer des importations d'une valeur de 34 milliards de DH (environ 3,7 milliards de dollars) par des biens produits localement dans un nombre de secteurs ciblés (textile, transport, métal, plastique, électrique…). Mais pas que ça. Le FMI renvoie également à l’augmentation des droits de douane qui ont été portés de 30% en janvier 2020 à 40% en juillet, dans le cadre de la loi de finances rectificative portée par l’ancien argentier du royaume Mohamed Benchaâboun. Des augmentations qui affectent selon le staff du FMI 10% de l'ensemble des importations hors accords commerciaux, principalement en provenance d'Asie.

Autre mesure qui semble ne pas plaire au staff du FMI : la politique de préférence nationale que le Maroc compte déployer et qui vise, comme le dit le rapport, à majorer les offres des sociétés étrangères de 15% par rapport aux offres de producteurs locaux. Des politiques vues par le staff du FMI comme une sorte de protectionnisme qui ne dit pas son nom…

Pour eux, et c’est une doctrine connue du FMI, « le développement du secteur privé et le renforcement du capital humain permettraient au Maroc de tirer davantage parti de son intégration réussie dans les chaînes de valeur mondiales, en s'orientant vers une plus grande valeur ajoutée, étape du processus de production, et en intégrant davantage les entreprises et les fournisseurs locaux », signalent-ils.

Face à ces craintes exprimées par le staff du FMI, les autorités marocaines ont tenu à les rassurer, en réaffirmant « l'engagement de longue date du Maroc en faveur de l'ouverture du commerce et de l'investissement, en pleine conformité aux engagements bilatéraux et multilatéraux », soulignant toutefois que « le plan de promotion de la production nationale n’est pas du protectionnisme et ne comporte pas d'obstacles au commerce extérieur, mais vise  plutôt le renforcement de l'industrie manufacturière nationale et son intégration dans les chaînes de valeur mondiales ».

Neutraliser l’action des entreprises publiques

Autre axe de recommandations du FMI pour développer l’investissement privé : la refonte du secteur des entreprises publiques, qui est selon le rapport « une condition préalable à l'uniformisation des règles du jeu pour les entreprises privées et entreprises publiques ». Une réforme qui est déjà lancée par le Maroc, mais que le FMI ne voit pas du même œil.

Le FMI salue ici l’approbation en juillet 2021 des lois-cadres qui fixent les objectifs de la réforme, et établissent l’Agence nationale chargée de la consolidation et de l’optimisation du portefeuille des entreprises publiques du Maroc, la qualifiant d’une « étape importante ».

Mais il considère que cette réforme doit surtout permettre de neutraliser le secteur public, et non de le renforcer comme visé dans la réforme portée par les pouvoirs publics, qui veulent faire des entreprises publiques des locomotives de développement, des champions dans leurs secteurs respectifs, des éclaireurs qui explorent les secteurs stratégiques et attirent dans leur sillage l’investissement privé, local et étranger.

Pour le staff, cette Agence doit d’abord veiller à instaurer « la neutralité dans le marché entre entreprises publique et privée », en « brisant la position monopolistique des entreprises publiques dans des secteurs de l'économie marocaine (comme l'électricité et les communications), en éliminant les impôts spéciaux et les régimes réglementaires, et en fixant des cibles et des objectifs clairs pour se prémunir contre les pratiques de subventions croisées ayant des effets de distorsion », souligne le FMI.

Le rapport essaie aussi de montrer comment cette politique de concentration du public dans certains secteurs est néfaste en donnant l’exemple du secteur de l’électricité.

Pour lui, le Maroc a une opportunité unique de faire de l'investissement vert un moteur clé de la croissance et de l'emploi. Mais alors que le Royaume a augmenté la part des énergies renouvelables à 33% de la capacité installée en 2019, les énergies renouvelables ne représentent que 20% de la production et 7% de la consommation d'énergie, reflétant le coût relativement plus élevé de ce type d'énergie, note le rapport.

Pour agir sur cette défaillance, le FMI recommande ainsi d’ accroître la concurrence dans le secteur de l'électricité, seul moyen selon le rapport, pour réduire les coûts et stimuler à la fois la production et la consommation d'énergie renouvelable.

Un point sur lequel les autorités marocaines ont apporté une réponse qui va dans le même sens.

« Outre les efforts pour augmenter la production et la consommation d'énergies renouvelables, ils (les pouvoirs publics marocains) ont souligné la nécessité de renforcer l’accès du Maroc à l’approvisionnement international en gaz naturel et l’importance de la concurrence accrue sur les marchés des ressources renouvelables et du gaz naturel », peut-on lire dans le rapport.

Le FMI appelle à re-soumettre le projet de loi sur l’enrichissement illicite

Le développement du secteur privé passe également, selon le FMI, par la lutte contre la corruption. Un point que personne ne peut contester, et sur lequel les autorités marocaines travaillent depuis de longues années. Des efforts qui doivent être accélérés, souligne le FMI, et érigés en priorité politique.

« Les autorités devraient continuer à travailler sur leurs efforts de lutte contre la corruption en tant que priorité politique. La mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption devrait se poursuivre (y compris les actions prioritaires identifiées par le gouvernement pour 2020)… La coordination nationale des efforts de lutte contre la corruption doit être améliorée entre les agences, notamment par des poursuites et condamnations pour des infractions liées à la corruption », insiste le FMI.

Le staff de l’institution préconise aussi un accès aux informations sur la propriété réelle des personnes morales qui se voient attribuer des marchés publics. Des informations qui devraient être publiées sur un site Internet, recommande le FMI.

Et d’ajouter que « les autorités devraient également re-soumettre de toute urgence le projet de loi sur l'enrichissement illicite et donner la priorité à sa mise en œuvre ».

« Enfin, comme indiqué dans le rapport sur le Nouveau Modèle de développement, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour améliorer l’efficacité et la transparence du système judiciaire, notamment en accélérant la numérisation des procédures internes, la publication des décisions de justice et la création d'une plateforme e-justice », conclut le staff du FMI.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

TGCC: INDICATEURS TRIMESTRIELS AU 31 DÉCEMBRE 2023

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.