Les performances records d’OCP expliquées par son directeur financier

Karim Lotfi Senhadji, chief financial officer d’OCP, nous expose les leviers qui ont permis au groupe de réaliser des résultats exceptionnels en 2021. Ce dernier ambitionne de couvrir d’ici 2026 tous ses besoins en énergie renouvelable et en eau non conventionnelle.

Les performances records d’OCP expliquées par son directeur financier

Le 25 mars 2022 à 16h17

Modifié 25 mars 2022 à 18h09

Karim Lotfi Senhadji, chief financial officer d’OCP, nous expose les leviers qui ont permis au groupe de réaliser des résultats exceptionnels en 2021. Ce dernier ambitionne de couvrir d’ici 2026 tous ses besoins en énergie renouvelable et en eau non conventionnelle.

2021 a été l’année de tous les records pour OCP. Son chiffre d’affaires est passé de 56,2 à 84,3 milliards de dirhams en une année, soit une progression de 50%. Mieux encore, ces revenus ont dégagé le double de l'EBITDA de 2020, soit 36,3 milliards de DH réalisant une marge exceptionnelle de plus de 43%.

Le tout pour des bénéfices nets de 15,5 milliards de DH, contre seulement 4 milliards de DH en 2020. Une performance exceptionnelle qui va donner une grande bouffée d’oxygène au groupe, mais aussi à l’Etat puisque OCP compte distribuer pas moins de 8 milliards de DH à l’Etat en dividendes. De l’argent qui tombe à point nommé pour des finances publiques qui connaissent une grande tension, en raison de l’explosion des subventions accordées aux produits de premières nécessité et au transport.

Ces performances records en 2021 s'expliquent en grande partie par la hausse des prix sur le marché international, faisant d'OCP l’un des seuls opérateurs marocains à profiter de l'inflation mondiale. "De manière faciale, oui, on peut voir ça sous cet angle. Maintenant, ce qu’il faut savoir, c’est que ces résultats sont le fruit d’une stratégie qui a plus de dix ans. En 2010, la stratégie du groupe était d’augmenter sa capacité de production, pour tripler à terme la capacité de production d’engrais, en passant d’à peu près 3,5 millions à 12 millions de tonnes en 2020", nous répond Karim Lotfi Senhadji, chief financial officer d’OCP.

Et d'ajouter : "Le cost leadership faisait aussi partie de cette stratégie, ce qui nous permet aujourd’hui de produire à moindre coût par rapport à nos pairs. Et cela se voit bien sur la marge d’EBIDTA qui est de 43%, là où nos pairs sont plutôt aux alentours de 30% à 33%. Tout cela démontre qu’au-delà de l’effet de la hausse des prix, il y a aussi la capacité de pouvoir produire, livrer et produire à moindre coût, qui a contribué à ces résultats de 2021."

La hausse des prix vient du déséquilibre entre l’offre et la demande mondiale

Les conditions de marché ont été telles que la hausse des prix qui vient du déséquilibre offre-demande s’est accentuée. "On a eu une hausse de la demande assez importante d’abord avec le Covid, et ensuite en raison de ce qui se passe sur les grains. Si on regarde un peu les stocks mondiaux de grains, de blé, de maïs et autres, elles ont tendance à baisser. Et donc, il y a une volonté de produire plus pour refaire les stocks. Pour pouvoir produire plus, il faut des engrais, parce que ce sont les engrais qui augmentent la productivité. C’est ce qui explique l’augmentation de la demande mondiale sur ce produit. Face à cela, l’offre n’a pu suivre rapidement", explique notre interlocuteur.

Le marché en 2020 et 2021 a été ainsi très tendu, et il va l’être encore plus cette année "parce qu’on continue d’avoir une demande qui augmente, face à une incertitude sur l’offre". Dans cet environnement, OCP s'adapte pour satisfaire la demande qui lui est adressée.

"Notre stratégie de départ était de tripler la capacité, mais aussi d’organiser nos plateformes en mode 'plug and play' de telle sorte qu’on ait déjà toutes les 'utilities' prêtes pour pouvoir augmenter nos capacités de manière rapide. Pour monter une chaîne de production d’une capacité de 1 million de tonnes, il faut entre trois et cinq ans. Nous, on est capable de le faire en six mois. C’est ce qui nous permet aujourd’hui de faire monter nos capacités de 3 millions de tonnes supplémentaires dès 2023", précise notre source.

Et OCP compte poursuivre cette politique d’investissement dans de nouvelles capacités sur les prochaines années, de manière à accompagner la demande. Celle-ci progresse, bon an mal an, entre 1,5% et 2% par an. Ce qui représente entre 1,5 à 2 millions de tonnes. "Nous on se positionne de telle sorte à ce qu’on puisse capter une partie de cette demande. Les 3 millions de tonnes pour 2023 font partie de cette stratégie. Et nous comptons ajouter 4 millions de tonnes supplémentaires à horizon 2026, ce qui portera notre capacité de production globale à 19 millions de tonnes", nous confie Karim Lotfi Senhadji. "Ce sont des choses pilotées en fonction de l’évolution du marché."

L’Afrique par exemple est un continent qui consomme entre 7 et 8 millions de tonnes par an, alors qu’il devrait en consommer 40 millions. "Si des mesures sont prises pour passer de 8 à 16 millions de tonnes par exemple, nous allons accélérer nos investissements pour répondre à cette demande. Mais si on voit que la demande continue d’évoluer de manière normale, nos investissement suivront le même rythme."

Pour le moment, OCP envisage d'augmenter sa capacité de 7 millions de tonnes supplémentaires entre 2023 et 2026. Qu'est-ce que cela représente en termes d'investissement ? "Cela dépend de plusieurs paramètres", nous répond-on.

"Déjà, les 3 millions de tonnes que nous aurons, nous les ferons à un coût extrêmement compétitif, bien moins cher que ce qui fait ailleurs. On est entre 40% à 50% moins cher que nos pairs. Sur les autres, tout dépendra du lieu choisi ; si on est sur la côte, ce n’est pas comme si on investit à l’intérieur du pays ou dans le Nord ou le Sud. Les choses varient… On arrêtera les chiffres au moment où les projets seront fixés. Maintenant, on sait bien que la référence mondiale pour 1 million de tonnes d’équivalent DAP, c’est 1 milliard de dollars. Mais nous sommes à des niveaux bien inférieurs", poursuit le top manager.

Les raisons de la compétitivité-coût d'OCP

La capacité pour OCP de construire des usines à moindre coût s'explique par plusieurs facteurs. En premier lieu, décrit Karim Lotfi Senhadji, "on a pu produire 10 millions de tonnes supplémentaires entre 2010 et aujourd’hui, ce qui nous donne un grand avantage en termes de savoir-faire. JESA, notre filiale d’ingénierie, a énormément contribué à cela.

"Le design lui-même de nos plateformes en plug and play. Le fait qu'un certain nombre de choses soient déjà préétablies, comme le pipeline entre Jorf et Khouribga, ainsi que plusieurs utilities qui permettent d’avoir accès à la matière première, nous a permis de réduire aussi bien le coût de construction que les délais. C’est un cumul d’expérience et de savoir-faire qui fait que nous sommes capables aujourd’hui de construire vite et moins cher."

L'optimisation des coûts est une donne structurelle chez OCP. En plus de construire moins cher que ses concurrents, son coût de production est également moins élevé. "Cela fait partie de notre stratégie de 2010 : baisser les coûts au maximum. Le coût est une obsession au niveau d’OCP. Nous investissons énormément à ce niveau-là, que ce soit en termes de Capex, de process, de formation… pour avoir le coût le plus bas possible", insiste notre source.

"Notre roche est également extrêmement compétitive. Elle est à 200 km de la mer, on a de la chance que le site de Khouribga soit surélevé, on a un pipeline qui ne consomme quasiment aucune énergie puisqu’on utilise la gravité. On a une roche qui a une très bonne qualité. On est certes doté par la nature, mais on a également des ingénieurs qui font un boulot extraordinaire", poursuit-elle.

"Cela étant dit, quand on passe aux engrais, c’est différent. Parce qu’il y a deux matières premières dont on ne dispose pas, à savoir le souffre et l’ammoniac. On est donc un peu dépendant, mais même de ce côté-là, nous travaillons pour améliorer nos performances en termes d'approvisionnement. On s’est aussi doté de capacités de stockage qui nous permettent d’acheter au bon moment, même plus que ce qu’il nous faut, pour qu’en moyenne on ait un coût de ces matières qui soit optimal."

OCP n'opère plus sur le marché américain, mais espère y revenir

OCP réalisent des performances alors qu'elle n'opère plus sur l'un de ses principaux marchés depuis 2020, et ce en raison de la surtaxe de 20% imposés aux engrais marocains. Jusqu’à 2018, OCP exportait des volumes importants aux Etats-Unis. Pas moins de 20% des volumes d’engrais étaient destinés à ce marché.

"On a fait quelques opérations, mais on a vu que c’était difficile d’être compétitif avec cette taxe-là. Grâce à notre agilité commerciale, nous avons pu réorienter nos volumes vers d’autres marchés, notamment les marchés brésilien et indien. C’est cette capacité de pouvoir réadapter, réacheminer ses volumes, et cette agilité commerciale qui nous a permis de faire ce succès de cette année", nous apprend notre interlocuteur.

"Au-delà de la taxe elle-même, c’est le principe lui-même qu’on conteste. On a fait appel de cette décision, et on devrait avoir des retours dans les semaines à venir. Il faut dire que la conjoncture plaide un peu plus en notre faveur, puisque les fermiers américains et un certain nombre de sénateurs sont montés au créneau pour dénoncer cette décision qui a mis les agriculteurs entre les mains d’un seul opérateur, ce qui est contraire aux règles du marché libre et ouvert", indique-t-il.

"Les conditions sont donc favorables, et nous utilisons tous les moyens à notre disposition pour pouvoir annuler cette décision parce qu’on estime que le marché américain est important."

La durabilité, l'autre axe stratégique

En parallèle à tous ces défis, le groupe a initié une nouvelle politique de l’eau, avec la mise en place de stations mobiles de dessalement, qui vont alimenter OCP et les villes d’El Jadida et de Safi en eau potable, dans le cadre d'une politique durable ambitieuse.

L’eau qu’utilise OCP aujourd’hui provient des barrages. Le groupe prévoit désormais produire de l'eau non conventionnelle pour son propre usage, afin d'affecter celle des barrages à l’irrigation et à l’eau potable.

"En 2022, eu égard au stress hydrique que connaît le pays, OCP a décidé d’amener une capacité de 110 millions de m3 de dessalement pour que nos sites n’utilisent que de l’eau non conventionnelle. Cela passe par le dessalement, mais aussi par des stations d’épuration d’eau. On en a déjà trois, et nous comptons en avoir deux autres d’ici la fin de l’année", nous révèle le chief financial officer d’OCP.

"Au vu de l’urgence, nous allons utiliser pour le dessalement un nouveau mode mobile, sous forme de containers qui ont une capacité annuelle de 6,5 millions de m3 en moyenne. C’est un peu comme des containers qu’il faut plugger. C’est cela le challenge, parce qu’il faut avoir tout l’amont et tout l’aval déjà prêt, savoir comment amener l’eau de mer dans ces stations mobiles, et la connecter au reste quand elle sort. On est toutefois confiant", poursuit-il.

Cela va permettre de mettre à disposition de l’eau aussi bien pour OCP que pour les villes de Safi et d’El Jadida. "Mais ce n’est qu’un premier pas. On vise 110 millions de m3 cette année, mais on monterait à des niveaux beaucoup plus importants les années suivantes. Objectif : 100% de l’eau utilisée devra être non conventionnelle en 2025."

Dans ce cadre, le groupe poursuit l'objectif extrêmement ambitieux du "zéro net carbone footprint" en 2040. "On s’inscrit parfaitement dans la politique du pays, qui vise 52% d’énergie renouvelable en 2030. Notre ambition, c’est que 100% de notre énergie soit renouvelable en 2026."

"Aujourd’hui, on est à 70%, puisqu’on on utilise la cogénération. Au niveau de nos sites, notamment celui de Jorf, la production d’acide sulfurique découle d'une réaction exothermique qui produit de la chaleur. Et cette chaleur est utilisé pour produire de l’électricité. Notre objectif est d'atteindre 100% en 2026, non seulement au niveau de nos sites chimiques, mais au niveau de nos mines également. On va investir pour cela avec des partenaires dans le solaire. On a déjà 1,2 giga qui font l’objet de discussions."

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