Dans l’Amérique de Biden, même les bébés sont mécontents

Si poser aux côtés de bébés a longtemps été la séance photo rêvée de tout politicien, la réponse maladroite de Joe Biden à la pénurie de lait maternisé qui frappe l’Amérique se transforme en cauchemar politique – et en symbole d’une présidence qui peine à calmer l’insatisfaction.
Le démocrate expérimenté, rompu aux us et coutumes du Washington politique, avait gagné l’élection de 2020 sur la promesse de « guérir » la nation, dirigée pendant quatre ans par Donald Trump.
Mais cette semaine a encore prouvé que l’apaisement est loin et Joe Biden, à juste titre ou non, en est jugé responsable.
Première preuve, la réponse désordonnée à la pénurie de lait pour bébé, qui a vidé les rayons des supermarchés et inquiété les parents.
L’administration était déjà mise à mal par la colère suscitée par l’inflation et les difficultés d’approvisionnement en voitures ou matériaux de construction.
Elle doit aussi gérer les protestations contre l’organisation à la dernière minute de ce qui doit être un forum régional majeur à Los Angeles, le Sommet des Amériques. A quelques jours de son début, on ne sait même pas quels chefs d’Etat viendront.
Et maintenant, ce sont les bébés – ou tout du moins leurs parents – qui viennent grossir les rangs des mécontents.
– Contredit –
Ce problème de lait infantile a débuté bien loin de Joe Biden. En février, le géant Abbott, qui contrôle 40% du marché américain, a fermé une usine et lancé un rappel de produits.
La pénurie qui a suivi a confronté les parents à une question improbable pour le pays le plus riche du monde: comment alimenter les nourrissons?
Pour rassurer les Américains, la Maison Blanche a organisé mercredi un sommet consacré à la crise, avec le président et des représentants des fabricants.
La réunion devait mettre en valeur la réponse énergique de l’exécutif américain – qui a notamment assoupli les règles d’importation et mobilisé un pont aérien.
Mais l’opération communication a tourné au vinaigre quand Joe Biden a essayé de faire admettre aux responsables que personne n’aurait pu anticiper l’ampleur de cette crise.
Les industriels l’ont contredit.
L’un d’eux a ainsi assuré avoir su « dès le départ » que cette fermeture d’usine « serait un événement très sérieux ».
– Baptême du feu –
La capacité de l’administration à se tirer de cette montagne de mauvaises nouvelles a été compliquée par des changements dans sa communication.
Jen Psaki, porte-parole très respectée, a cédé sa place à son adjointe Karine Jean-Pierre, qui vit un véritable baptême du feu.
Elle a été cette semaine bombardée de questions lors de ses traditionnels points presse quotidiens.
Pourquoi le président n’a-t-il pas compris plus tôt la gravité de la pénurie de lait pour bébé? Admet-il s’être trompé en disant que l’inflation serait temporaire? Pourquoi, après la tuerie au Texas et les précédents massacres, ne pousse-t-il pas lui-même les sénateurs à agir sur les armes à feu?
Karine Jean-Pierre s’est retrouvée sur la défensive.
Questionnée sur l’absence d’une liste d’invités au Sommet des Amériques, à moins d’une semaine de son début, la porte-parole a répondu mercredi par un aveu franc.
« Si vous avez suivi cette administration sur la dernière année et demie, une semaine à l’avance ce n’est pas à la dernière minute pour nous », a-t-elle admis. Une semaine, ça représente « une éternité pour nous ».
– Plage –
La cote de popularité de Joe Biden est inférieure à 50% depuis l’an dernier, et son parti risque fort de perdre le contrôle du Congrès au profit des républicains lors des élections de novembre.
Même une hausse de 6 points, dans un sondage Reuters/Ipsos publié cette semaine, ne lui a permis d’atteindre qu’un modeste 42% de satisfaction.
La cause de bon nombre de ses malheurs semblerait bien familière à certains de ces prédécesseurs dans le Bureau ovale: sans une majorité forte au Congrès, il n’a pas autant de pouvoir que ce qu’imaginent ses concitoyens.
Jeudi, le président a lancé un appel passionné à interdire la vente de fusils d’assaut. Mais, selon les observateurs, il a peu de chances de réussir à convaincre ses adversaires républicains.
Dès son discours fini, il s’est envolé pour un week-end à la plage.
Vendredi, il célèbre les 71 ans de sa femme Jill Biden dans leur maison du Delaware, loin de l’agitation de la capitale.
Mais Washington – et ses nombreux problèmes – seront là pour l’accueillir à son retour.