Dans le sud afghan, repartir de zéro sur les ruines de la guerre

(AFP)

Le 4 décembre 2021

Dans le sud afghan, sur les ruines de l'ancienne ligne de front entre talibans et forces gouvernementales, un nouveau combat commence: reconstruire à partir de presque rien.

Debout dans sa maison en ruine, Javid, 31 ans, montre le tunnel que les talibans avaient creusé cette année à l'intérieur pour atteindre et attaquer une base locale de l’armée.

Sa famille est toujours réfugiée dans un autre village, en attendant qu'il puisse rebâtir leur maison.

Mais il n’a plus d'argent: il a déjà emprunté 160.000 afghanis (1.500 euros) pour reconstruire son petit magasin.

"Nous avons besoin des ONG et du gouvernement, sinon ma famille ne pourra pas revenir", supplie-t-il. "Je n’ai pas d’autre espoir".

Son village, Arzo, occupe une position stratégique, entre Ghazni, l'une des principales villes du sud afghan, et les zones tribales frontalières du Pakistan, traditionnelles bases arrière des talibans. Il fut donc pendant des années une ligne de front.

Pour défendre ce verrou vers Ghazni, l’armée y avait installé cinq postes que les talibans attaquaient, cachés chez les civils.

"Il y avait des tirs jour et nuit, et notre maison au milieu", se souvient Javid. Après plus d’un an de combats sans relâche, les derniers habitants sont partis en juin. Deux mois, plus tard, le pays tombait aux mains des talibans, et la guerre s'achevait.

Aujourd’hui, une centaine de familles, sur les 800 qui vivaient dans les maisons en torchis du centre du village, une centaine ne sont pas encore revenues, raconte Abdul Bari Arzoi, un ancien.

La guerre y a tout détruit: les bâtiments, mais aussi tout ce qui rendait la vie possible, à commencer par les champs et le bétail.

Selon un habitant, Nazib Ahmad, 400 champs ont été "perdus". Et il est certain qu'ils restent minés, malgré une récente opération de déminage des talibans.

"Nous ne pouvons plus cultiver ou vivre du bétail, qui a disparu", déplore le vieil homme debout parmi les maisons éventrées.

Personne ne semble à même de les aider, à l'heure où l'aide internationale qui portait le budget afghan à bout de bras a disparu et que l'ONU craint que la famine touche près de 23 millions d'Afghans, soit la moitié de la population, cet hiver.

- Tragédies -

Selon le vieux Nazib Ahmad, des représentants du Programme alimentaire mondial (PAM) de l'ONU sont venus à Arzo récemment, amenant du riz et de l’huile pour 200 familles. Mais le village en compte 3.500 au total.

"Nous n’avons plus d’autre moyen de survivre et beaucoup de familles sont endettées", dit-il.

Sans aucune réserve pour l’hiver, certains tentent de trouver du travail journalier sur les chantiers de Ghazni, la grande ville proche, et survivent au jour le jour.

Et depuis six mois, 1.500 jeunes adolescents et hommes seraient partis trouver un gagne-pain au Pakistan ou en Iran, selon M. Ahmad.

Gulam Mohammad, 38 ans, tente sa chance sur les chantiers, mais cela ne suffit pas à soutenir les veuves et enfants de sa famille.

Au printemps dernier, deux de ses frères et son fils de 18 ans ont été tués dans l’explosion d’une mine. Un autre frère, blessé, est handicapé à vie. Leur mère a depuis sombré dans la dépression.

Eux non plus n'ont "rien à manger pour l’hiver", soupire-t-il.

A Arzo, chaque maison renferme une tragédie.

Lailuma, 55 ans, a perdu sa fille, tuée dans des tirs croisés. Son mari a survécu à une balle dans le crâne, mais ne peut plus travailler. Eux non plus n'ont plus d'argent pour rebâtir leur maison détruite par les combats.

L’école, où les rires des enfants ont recommencé à résonner, est elle aussi en piteux état.

Derrière le portail bleu criblé de dizaines d’impacts de balles, les élèves étudient entre fenêtres cassées et murs marqués par les tirs d’artillerie.

Le professeur des filles, Rafiullah, 65 ans, a beau essayer de se réjouir de retrouver ses élèves, il n’y parvient pas.

Il pleure encore sa propre fille, elle aussi tuée dans des tirs croisés alors qu’elle nettoyait du linge dans leur jardin.

"Elle était fiancée", murmure-t-il. "Elle est morte deux semaines avant son mariage".

Entre le printemps 2020 et la prise du village en juillet dernier, 40 civils y ont été tués.

Dans le froid tenace, les villageois tentent d'éviter d'alourdir ce bilan en ramassant les armes et munitions non explosées, qu'ils cachent dans un cratère au milieu d'un terrain vague.

"On le fait pour protéger les enfants", lance le vieil Abdul Bari.

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Le 4 décembre 2021

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