Hong Kong, l'avenir du tabloïd Apple Daily menacé

(AFP)

Le 24 mai 2021

Le tabloïd pro-démocratie hongkongais Apple Daily est menacé. A l'heure où son propriétaire, le magnat de la presse Jimmy Lai, est derrière les barreaux, de nombreux journalistes se demandent s'ils seront les prochains.

Chaque jour, les menaces se font de plus en plus pressantes et certains redoutent que les jours du quotidien, né il y a 26 ans dans cette ville qui se voulait un havre pour la liberté de la presse, ne soient désormais comptés.

"Je suis confronté à la pire crise depuis mon arrivée à tête de la rédaction il y a plus de trois ans", a affirmé à l'AFP Ryan Law.

Quelques jours après cette interview, les avoirs de M. Lai, le propriétaire du groupe médiatique Next Digital Limited, qui publie le quotidien Apple Daily, étaient gelés par les autorités pour avoir enfreint la loi sur la sécurité nationale.

Entré il y une vingtaine d'années à l'Apple Daily, M. Law n'entend pas pour autant renoncer.

"Certains collègues se demandent si Apple finira par fermer lorsque le PDG ou moi-même serons arrêtés", raconte-t-il. En guise de réponse, il leur rappelle qu'"Apple est toujours là même après l'arrestation de M. Lai".

- Climat anxiogène -

Il a récemment reçu cinq lettres de démission, ce qui atteste du climat anxiogène pesant sur la rédaction.

Dans un contexte de répression contre l'opposition pro-démocratie consécutif au vaste mouvement de contestation de 2019, les autorités chinoises n'ont pas caché leur volonté de voir Apple Daily et Next Digital fermer.

Le tabloïd, créé en 1995 par M. Lai, a apporté un soutien sans faille au mouvement pro-démocratie et s'est toujours montré très critique envers Pékin et dirigeants du territoire.

En Chine, les médias aux mains des autorités qualifient le richissime magnat de "traître", l'accusant d'être l'instigateur de l'immense mouvement de contestation.

Pékin n'a pas caché son désir de voir Apple Daily fermer et M. Lai être réduit au silence. Le chef de la police de Hong Kong, Chris Tang, a également accusé le quotidien de publier de "fausses informations".

Le patron de presse de 73 ans purge actuellement une peine de 14 mois de prison pour avoir pris part à deux manifestations en 2019 et fait l'objet de deux autres procédures en lien avec des rassemblements.

Il est également accusé de "collusion avec des forces étrangères" pour avoir prétendument préconisé des sanctions étrangères contre Hong Kong et les dirigeants chinois, des faits pour lesquels il encourt la prison à vie.

Dans un entretien accordé l'an dernier à l'AFP, le magnat avait reconnu que seule sa fortune permettait à l'Apple Daily de survivre. Avec le gel de ses avoirs, le journal estime ne pouvoir tenir que 9 à 10 mois.

Bien que ce titre demeure le plus populaire de la ville, à l'image des autres journaux papiers, son tirage s'est effondré, passant d'environ 400.000 exemplaires dans les années 1990 à seulement 80.000 aujourd'hui.

Toutes les sociétés dépendantes du marché chinois évitent depuis longtemps d'acheter des espaces publicitaires dans ce quotidien.

- "Nous sommes les seuls" -

Zoe, journaliste depuis plus de cinq ans à l'Apple Daily, ressent une immense pression.

"Le moral est plutôt bas", témoigne-t-elle sous un pseudonyme afin de s'exprimer plus librement. "On a l'impression que quelque chose se rapproche de nous (...). Je crains qu'un jour prochain je ne puisse plus travailler dans la presse".

Si Hong Kong demeure le siège régional de nombreux médias internationaux, la ville ne cesse de perdre des places dans le classement mondial de la liberté de la presse et les journaux locaux se montrent de moins en moins critiques envers Pékin.

Pour Zoe, qui ne cache pas avoir songé à démissionner, l'Apple Daily demeure l'exception.

"J'ai travaillé dans un certain nombre de rédactions et jusqu'à présent, Apple est la plus libre que j'ai connue", estime la journaliste qui dit ne pas pouvoir "abandonner" le journal "dans un moment difficile".

L'an dernier, l'arrestation de M. Lai en vertu de la loi sur la sécurité a marqué l'ensemble de la rédaction où plus de 200 policiers ont participé à une perquisition.

Le premier réflexe de M. Law a été de demander aux journalistes de retransmettre en direct des images de la perquisition. "Je me suis dit que nous devions avant tout rapporter cette information, car nous sommes les seuls à pouvoir le faire", se souvient-il.

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Le 24 mai 2021

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