La vallée de Javari, axe stratégique du narcotrafic en Amazonie brésilienne

(AFP)

Le 14 juin 2022

La disparition de deux hommes dans la vallée de Javari a braqué les projecteurs sur la dangerosité de cette région reculée de l'Amazonie brésilienne, située à la triple frontière entre Brésil, Pérou et Colombie, et axe stratégique du trafic de drogues.

L'endroit où le journaliste britannique Dom Phillips et l'expert brésilien des peuples autochtones Bruno Pereira ont été vus pour la dernière fois, alors qu'ils descendaient la rivière Itaquai le 5 juin, est proche de la deuxième plus grande terre indigène du Brésil, où vivent 6.300 personnes dans 26 villages, dont 19 dans un isolement total.

La vallée isolée de Javari a connu une forte hausse de la criminalité voici une décennie, conséquence de la faible emprise de l'Etat brésilien sur ce territoire de 85.000 km2, plus grand que l'Autriche, selon des sources consultées par l'AFP.

Cette faille sécuritaire a été exploitée par les narcotrafiquants, pêcheurs, bûcherons et orpailleurs clandestins, opérant sur des terres pourtant déclarées protégées.

Dès le début des recherches des deux hommes, dont l'issue fatale est redoutée, le responsable de la police de la région d'Amazonas, Eduardo Alexandre, qualifiait la zone comme "assez dangereuse".

"La forêt, de par sa nature, a toujours été une zone privilégiée pour le trafic car les drogues peuvent être camouflées plus facilement que dans d'autres environnements", souligne Aiala Colares, géographe à l'Université fédérale du Para et chercheur spécialisé dans l'Amazonie à l'ONG Forum brésilien pour la sécurité publique.

Dans l'immensité de la dense forêt amazonienne, sillonnée par des rivières qui inondent une partie de la végétation certains mois de l'année, les trafiquants de drogue s'appuient sur les voies navigables pour transporter des drogues, principalement de la cocaïne du Pérou et du cannabis de Colombie, destinées au marché brésilien ou poursuivant leur revente jusqu'à l'étranger, explique M. Colares.

L'expert définit comme "multidimensionnelle" l'action des gangs qui opèrent et mélangent narcotrafic et crimes environnementaux tels que la contrebande de bois et la pêche illégale.

Le principal, "Os Crias", dissident de la "Familia do Norte", l'une des plus grandes organisations criminelles d'Amazonie, est apparu en 2021 et contrôle le côté brésilien de la triple frontière et les voies navigables.

- "Crime organisé"

"De plus en plus de criminels, plus organisés et armés, ont profité du manque de structure étatique", indique Barbara Arisi, anthropologue de la Vrije Universiteit d'Amsterdam qui travaille avec les villages de Javari depuis 2003, soulignant la pénétration du narcotrafic dans certaines communautés autochtones, comme les Tikuna.

L'anthropologue la compare avec le développement des gangs dans les favelas à Rio de Janeiro.

"Le narcotrafic offre à de nombreux jeunes une vie qu'ils n'ont pas la possibilité d'atteindre. Pour de l'argent, beaucoup finissent par devenir des mules ou des informateurs", explique-t-elle.

Atalaia do Norte, où Dom Phillips et Bruno Pereira étaient basés durant leur expédition, a le troisième plus mauvais indice de développement humain du Brésil établi sur plus de 5.000 municipalités, selon le dernier recensement.

Le président brésilien Jair Bolsonaro a pris ses fonctions en janvier 2019 avec la promesse de développer l'Amazonie, un territoire, selon lui, occupé par des "Indiens pauvres" sur des "terres riches".

Il a remplacé la direction de l'agence gouvernementale des affaires indigènes, la Funai, et placé à la tête du secteur des tribus isolées un pasteur évangéliste accusé d'ignorer les intérêts qu'il est censé servir.

La base de la Funai sur la rivière Itaquai a essuyé de nombreuses fusillades ces dernières années.

Bruno Pereira lui-même, en tant que salarié de la Funai, a aidé les autochtones à s'organiser pour défendre leur territoire et avait été la cible de menaces par des bûcherons, des mineurs et des pêcheurs illégaux qui tentaient d'empiéter sur les terres protégées.

"Ce qui est arrivé à Bruno et Dom est le résultat de la croissance du crime organisé, qui s'explique par l'absence de l'Etat", a affirmé Antenor Vaz, responsable de la Funai dans le Javari entre 2006 et 2009.

Rappelant l'assassinat en 2019 jamais élucidé de Maxiel Pereira dos Santos, responsable à la Funai des opérations contre les bûcherons et pêcheurs illégaux, il rappelle que "tout citoyen qui élève sa voix contre l'illégalité est ici exposé".

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Le 14 juin 2022

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