Samir Chaouki

Président d'OMEGA Center for Economy & Geopolitics Researchs

(Archives MAP)

Feuilles d’Afrique. Maroc-Espagne, pourquoi c’est une visite historique

Le 6 avril 2022 à 16h09

Modifié 6 avril 2022 à 16h32

Pedro Sanchez s’apprête à arriver à Rabat en traînant deux boulets : celui de son opposition et surtout celui du pouvoir algérien, plus que jamais agressif. Mais l’homme est décidé à mettre du côté de son pays le cheval gagnant. Son choix est sans équivoque.

Sur invitation du Roi Mohammed VI, le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, entamera une visite au Maroc le jeudi 7 avril. Ce n’est certes pas la première visite de Sanchez au Maroc, mais c’est la plus importante, à tel point que des diplomates des deux bords la qualifient d’historique.

Reconnaissance de la proposition marocaine d’autonomie, respect mutuel de l’intégrité territoriale, renforcement de la coopération économique, exploration des pistes efficientes d’approvisionnement bilatéral en gaz naturel... Ce sont là autant de données qui valorisent cette visite.

Sur le Sahara, un repositionnement stratégique

Lorsque le cabinet royal a rendu public, le 14 mars dernier, le contenu de la lettre envoyée par Sanchez au Roi Mohammed VI, le microcosme politique à Rabat, Madrid - et surtout à Alger - a été fortement secoué. Les termes étaient clairs et sans ambiguïté aucune : un alignement sans réserve à la proposition marocaine d’autonomie dans la souveraineté marocaine.

Sanchez a immédiatement été confronté à deux oppositions ; l’une interne et l’autre externe. En effet, les deux partis de la coalition gouvernementale en Espagne, Podemos et Cuidadamos, fervents soutiens du polisario, ont émis des réserves sous prétexte de ne pas avoir été avisés ; réserves dont Sanchez a éteint la mèche en passant au vote parlementaire une résolution en la matière, au même moment où il mettra les pieds au Maroc. Laquelle résolution n’insistera certes pas sur la notion d’autonomie (puisqu’elle a déjà été prononcée), mais zappera le sacro-saint des deux partis précités, à savoir le référendum et l’autodétermination.

Dès lors, Sanchez, ainsi que les gouvernements qui lui succéderont, seront libérés de tout engagement envers les séparatistes et pourraient faire évoluer positivement leur posture. Il faut rappeler que si la position espagnole n’atteint pas l’audace de la posture américaine, elle demeure néanmoins plus évoluée que celle de la France, ce qui pourrait titiller Paris, déjà gênée par la déclaration allemande qui a adopté sans hésitation le plan d’autonomie en tant que solution la plus crédible.

Le business, un horizon prometteur

Cette visite est qualifiée d’historique au sein même du microcosme économique espagnol, qui voit s’ouvrir à lui un horizon de business illimité. En effet, ce n’est pas pour rien que Rabat est le premier partenaire économique de Madrid, hors Union européenne, avec plus de 17 milliards d’échanges commerciaux, et le premier investisseur dans le Royaume avec plus de 1.000 entreprises dans tous les domaines.

Nul besoin de rappeler aussi que l’ensemble du sud espagnol vit au rythme des touristes marocains, au nombre de presque un million par an, et qui y laissent plus de 500 millions d’euros.

Quant aux présides de Sebta et Melilia, Sanchez s’y est déjà déplacé pour rassurer les gouvernements autonomes et les communautés d’affaires sur le fait que l’opération "Marhaba 2022" profitera, outre à Algesiras et Tarifa, à Sebta et Melilia, ce qui réanimerait le business agonisant depuis 2020.

La presse espagnole évoque un satisfecit de la part des hommes d’affaires, des hôteliers et des industriels du tourisme, et un soutien inconditionnel au Premier ministre espagnol dans sa démarche auprès du Royaume du Maroc. Même les pêcheurs espagnols, pourtant non concernés par l’impact du froid bilatéral depuis un an car protégés par l’accord d’association avec l’Union européenne, n’ont pas caché leur satisfaction puisqu’ils aspirent à un élargissement de leur quota.

Le gaz, l’alternative à Alger

Depuis l’annonce par Madrid de sa nouvelle position à l’égard de l’affaire du Sahara, Alger n’a cessé de menacer son partenaire espagnol de revoir tous les accords économiques entre les deux pays ; en premier lieu l’approvisionnement en gaz.

Il faut remonter à fin octobre 2021, lorsque l’entreprise gazière et pétrolière algérienne Sonatrach avait annoncé, de façon unilatérale, l’arrêt de l’utilisation du gazoduc Maghreb-Europe. Ce dernier traverse le Maroc et dote annuellement l’Espagne de 13 milliards de mètres cubes.

Le gouvernement Sanchez avait émis des réserves quant à la capacité de l’Algérie de substituer ce gazoduc pour un autre qui traverse la Méditerranée. Il avait également commencé à explorer des pistes alternatives, dont le Qatar et les États-Unis.

Avec le récent durcissement d’Alger, de surcroît dans une conjoncture dominée par l’agression russe en Ukraine, les pourparlers espagnols avec les États-Unis sont bien avancés pour une éventuelle substitution du gaz algérien.

En attendant, le secrétaire d’État américain Antony Blinken, lors de sa récente visite à Alger, a insisté sur deux points auprès du président Tebboune. Un : apaiser les tensions avec le Maroc. Deux : éviter de menacer l’Espagne sur son approvisionnement en gaz. Au lendemain de cette visite, le patron de Sonatrach avait d’ailleurs déclaré à la presse espagnole qu’Alger respecterait tous ses contrats gaziers avec l’Espagne.

Cela n’empêche pas l’Espagne de renforcer sa coopération en la matière avec le Maroc. D’abord, pour bénéficier conjointement du gaz liquéfié américain, que le Maroc recevrait à travers l’inversement du gazoduc Maghreb-Europe. Ensuite, pour s’apprêter à négocier l’export depuis Tendrara (Larache) vers l’Espagne au lendemain du début d’exploitation effectif de ce gisement marocain.

Pour toutes ces raisons, l’on peut aisément qualifier cette visite d’historique car elle met fin à une malheureuse parenthèse et ouvre des horizons meilleurs pour les deux pays. Le Maroc et l’Espagne sont en effet décidés à œuvrer ensemble pour entreprendre un bon virage 2030, dans le respect total de la réalité géopolitique d’aujourd’hui.

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