Ahmed Faouzi

Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

Les avantages des deux façades

Le 27 octobre 2021 à 13h30

Modifié 27 octobre 2021 à 13h30

Les Marocains ont depuis longtemps le sens du positionnement commercial. Pour établir leur négoce, ils regardent d’abord l’emplacement. Quand le magasin donne sur deux rues, c’est le succès assuré de l’investissement. La visibilité de l’enseigne est garantie et la clientèle peut facilement être doublée. Le nom qu’on donne généralement à ce positionnement est communément appelé Chouka.

En pensant à cette attitude innée chez les nôtres, je n’ai pu m’empêcher de penser à l’emplacement géographique du Maroc dans le chouka au nord-ouest de l’Afrique. Cette situation géographique qui place notre pays entre la méditerranée au nord et l’atlantique à l’ouest, est une chance inouïe et un don du ciel. Il nous permet l’ouverture sur deux espaces maritimes, et conséquemment sur deux mondes différents.

Les mers et les océans ont de tout temps été considérés comme des ouvertures sur les autres civilisations. Ils offrent assurément des opportunités pour diversifier l’économie et fructifier le commerce. Par moment, ils peuvent également être vecteurs de dangers et d’invasions. De nos jours, les mers ne séparent plus les peuples comme par le passé. Elles sont, au contraire, des lieux d’échanges, de contacts, et de progrès.

Pendant des siècles, les zones maritimes appartenaient aux plus puissants. Elles présentaient pour d’autres des zones de dangers, dont seuls les plus forts y avaient accès. Chez beaucoup de conquérants, la route maritime, même dangereuse en cas de tempêtes, était moins entravée que les conquêtes terrestres. Le contrôle des mers permettait, en temps de paix, le contrôle des routes et du commerce maritimes, et en temps de guerre, de déployer facilement des forces militaires à l’extérieur.

Attraction à l’international

Pour mesurer l’importance d’une façade maritime, rien de mieux que d’observer les économies des pays enclavés, obligés souvent à négocier leur souveraineté pour obtenir l’accès à la mer, ou faciliter le commerce à partir d’un port voisin. Quand on possède deux façades maritimes, comme c’est le cas du Maroc, ce sont des atouts qui pèsent lourds dans notre positionnement géostratégique et l’attraction qu’on exerce à l’international.

Le commerce international est basé exclusivement sur les transports maritimes. 80% du commerce mondial traverse les mers, et 90% des communications internationales empruntent les câbles sous-marins. Le coût du transport maritime reste très compétitif. Il représente 2% des produits manufacturés transportés, et 8% des produits pétroliers. Pour ces raisons, l’interruption d’un trafic maritime est plus coûteuse que celle des transports routiers. Le récent blocage du canal de Suez par le cargo Evergreen, en mars dernier, en a été l’exemple frappant.

Conscient de cet avantage, le Maroc a développé, depuis maintenant vingt ans, un écosystème logistique à Tanger Med. Ce projet a séduit autant les grands opérateurs maritimes internationaux, que les chargeurs les plus qualifiés dans le monde. Cette volonté d’ancrer le Maroc dans son espace euro-méditerranéen a permis aussi de faire de ce port, un hub de transbordement et de voyage le plus dynamique de la région méditerranéenne.

La méditerranée, mer de transits maritimes et couloir économique puissant, est dominée par le commerce des marchandises et des hydrocarbures. Elle est devenue pour le Maroc une fenêtre stratégique et un hub portuaire donnant sur l’Europe. En captant une partie du commerce des conteneurs tout en développant un écosystème industriel, c’est tout le nord du Maroc qu’on a sorti de sa léthargie, réduisant ainsi les disparités économiques régionales.

Si la méditerranée a été sujette à des conflits et frictions à travers des siècles, l’atlantique semble plus paisible et présente plus d’atouts pour le Royaume. Entouré par les continents, africain européen, et les deux Amériques, l’océan atlantique a pris plus de poids après le second conflit mondial et l’instauration de l’alliance atlantique (OTAN).

Le dynamisme économique du Maroc est beaucoup plus ancien sur ce littoral comme à Casablanca, Kénitra, Jorf Lasfar, Safi et Agadir... Le grand projet en eau profonde du port de Dakhla, qui entre dans la stratégie portuaire 2030, ouvrira, pour le pays comme pour l’Afrique sub-saharienne, de grandes perspectives de développement. Situé à mi-chemin, entre Casablanca (1.500 km) et Dakar (1300 km), il ouvrira davantage notre pays aussi bien sur l’Afrique et l’Europe que sur l’Amérique.

Hub atlantique prometteur

L’espace atlantique regorge de ressources et de richesses non encore exploitées. Il participe fortement à notre économie ne serait-ce que par ses richesses halieutiques. Cette frontière maritime est partagée avec 23 autres pays africains riverains. Ceux-ci constituent 46% de la population africaine, 55% du PIB africain, et 57% du commerce total interafricain. C’est cela son grand potentiel.

Le Maroc, qui se trouve au milieu de cet ensemble, constitue donc un véritable hub atlantique prometteur. Notre redéploiement maritime vers cette zone participera au renforcement de notre présence en Afrique. Contrairement à la méditerranée, l’océan atlantique nous offre plus d’opportunités de développement, et présente moins de contraintes et risques d’instabilités.

Sur les mers se sont jouées les grandeurs et les décadences de plusieurs civilisations. Grecs, Romains, Vikings et Arabes ont tous conquis et dominé les mers pour se défendre et s’imposer. De même au siècle dernier, les puissances maritimes britannique américaine et française, pour les mêmes raisons, ont refusé à l’Allemagne de conquérir les océans pour limiter sa puissance.

La mer restera toujours au milieu des grands combats pour la défense des intérêts nationaux. L’adoption en 2019 par le parlement marocain de la loi 38/17, instituant une zone économique exclusive de 200 milles marins au large des côtes marocaines va dans ce sens. La marche verte de 1975 n’était pas initiée seulement pour intégrer une partie de notre terre que la colonisation a spoliée. C’était aussi pour intégrer notre espace maritime à la mère patrie.

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